Avec Les racines du monde, Byambasuren Davaa signe une superbe fable sur les ravages de la mondialisation industrielle. En salles mercredi 16 juin.
La mondialisation économique est aussi cinématographique comme le prouve ce très beau film qui traite de la première et illustre en acte la seconde. Après L’Histoire du chameau qui pleure et Le Chien jaune de Mongolie, la cinéaste mongole Byambasuren Davaa revient sur nos écrans avec Les Racines du monde, son quatrième film. Elle y affirme d’emblée des qualités qui semblent déserter de plus en plus les cinéastes occidentaux et leur public assoiffés de vitesse et de twists trépidants : sens des plans, attention aux paysages, pente contemplative, goût des cadres larges… Évidemment, la cinégénie naturelle de la steppe mongole aide à créer des plans mémorables, encore faut-il savoir la regarder et la capter – ce que réussit admirablement Davaa. Pour autant, Les Racines du monde n’est pas que plans longs de gestes ancestraux sous la yourte sur fond de crépuscules en 16/9ème : les ados vus dans le film échangent des DVD, sont aussi accros que nous à leurs écrans multiples et ambitionnent de participer à une émission de téléréalité. Pour le meilleur et le pire, notre monde moderne couvre la planète jusque dans ses recoins les plus reculés.
Ensuite, il y a ici de la fiction, de l’action, au sens le plus hollywoodien du terme (pensez Erin Brockovich). La famille de nomades à laquelle s’attache le film lutte avec d’autres contre la prédation de leur espace activé par les multinationales minières. Plus ces dernières creusent et forent, plus elles grignotent l’écosystème des populations autochtones (sans leur demander leur avis, évidemment), polluent les sols et les rivières, enlaidissent le paysage. La cinéaste a tourné dans de vrais décors miniers et dit très justement « ce fut une grande chance pour moi en tant que cinéaste, mais une tragédie en tant que Mongole ». Après la mort accidentelle du père de la famille au cœur du film, le petit Amra, tente de prendre la suite du combat, avec les armes ingénieuses d’un gamin de douze ans espiègle et malin, dans une énième déclinaison de la fable du pot de terre contre le pot de fer.Évidemment, ce film pourrait agacer tant il coche toutes les bonnes cases et causes : écologie, plaidoyer pour la singularité des cultures, acteurs craquants, bons et méchants bien identifiés, plans superbes… Mais à y regarder de plus près, le film n’est pas ni lisse ni manichéen. Ainsi, une partie des villageois préfèrent abandonner la lutte contre une somme d’argent : la corruption aussi est mondialisée. Surtout, si Les racines du monde est politique, il n’a heureusement rien de militant. Nulle démonstration pesante ici, mais un récit de combat doux et habité pour la simple raison que la cinéaste défend là l’intégrité de sa culture et de son peuple. Qu’un superbe film mongol se fraie un chemin jusqu’à nos écrans encombrés, c’est là le meilleur aspect de la mondialisation.
Les Racines du monde de Byambasuren Dava, avec Bat-Ireedui Batmunkh, Enerel Tumen… Les Films du préau, sortie le 16 juin
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