À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa disparition, Transfuge a voulu rendre hommage à Louis Malle. D’autant que ce cinéaste éclectique, rebelle et solitaire, n’est pas encore reconnu à sa juste valeur en France. On le sait peu mais Wes Anderson est un grand admirateur de Louis Malle. Il nous raconte comment son oeuvre l’a influencé. 

Retrouvez notre dossier Louis Malle dans notre numéro de février!

Comment avez-vous découvert le cinéma de Louis Malle ?
D’abord, j’ai vu My Dinner with Andre en VHS. J’étais au lycée et je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. En le regardant, je fus perplexe mais intrigué. Ensuite, alors que je travaillais comme projectionniste à l’Université du Texas en 1988, une première locale d’Au revoir les enfants fut organisée. J’ai adoré ce film mais c’est seulement quand j’ai vu Le Souffle au cœur (en laser disc !) que je me suis rendu compte que Louis Malle faisait partie de mes réalisateurs préférés.

Qu’est-ce qui vous a frappé dans ce film ?

Qu’est-ce qui ne m’a pas FRAPPE ? L’anarchie de ces frères sauvages, l’intelligence rebelle de Benoît Ferreux, l’étrange atmosphère romantique de l’hôtel thermal et le somptueux Dijon bourgeois qu’il réussit à recréer. C’était exactement le genre de film que je voulais faire ! Ou mieux : ce que je voulais faire était soudain un film de Louis Malle. Et je crois que mon film Rushmore a été très inspiré par Le Souffle au cœur. D’ailleurs Owen Wilson – mon ami et co scénariste – l’avait vu avec son père, avant même que moi je le découvre, et l’avait beaucoup aimé aussi.

Louis Malle a travaillé avec le commandant Cousteau pour qui vous nourrissez une admiration que vous avez exprimée dans La Vie aquatique. Est-ce que ce point commun avec Malle a nourri votre rapport à son travail ?

Quand j’ai découvert les films de Louis Malle, je ne savais pas qu’il avait travaillé avec Cousteau. Mais selon moi l’histoire de sa participation au Monde du silence dit tout sur lui. Parmi tous les étudiants de l’IDHEC à qui on a proposé d’accompagner le commandant Cousteau, c’est le seul qui a levé la main et accepté le défi. C’est comme cela qu’il obtint une palme d’or à vingt-quatre ans ! J’aime ce goût de l’aventure intimement entrelacé avec une grande curiosité intellectuelle. Je suis fasciné par le côté anthropologue de son tempérament artistique.

Quel est votre film préféré de Malle ? Et pourquoi ?

Sans doute Le Feu follet. Pour la même raison que celle qui me fit aimer Le Souffle au cœur. C’est un film que j’aurais aimé avoir fait et c’est le genre de film que je VOULAIS faire. La profonde tristesse, le glamour maudit, le voyage picaresque du personnage de Maurice Ronet pendant les quelques heures qu’il passe à paris, la musique, la photographie du grand Ghislain Cloquet.

Y a-t-il quelque chose en particulier qui vous touche dans son cinéma ? Les constants changements de style?

Peut-être. Mais je n’ai pas l’impression que son style change tant que cela. J’ai plutôt l’impression qu’il travaille avec une très large palette de tons. Il aimait sans cesse essayer de nouvelles choses. Je crois que ses documentairesen disent beaucoup sur l’artiste qu’il était. Les films qu’il a faits sur l’Amérique ont tant de choses à nous apprendre sur l’Amérique !

La place que, comme vous, il accorde à l’enfance ?

J’ai toujours été inspiré par la sincérité aiguisée avec laquelle il rend compte de ce qu’est un point de vue d’enfant.

Avez-vous le sentiment que les réalisateurs américains d’aujourd’hui partagent votre admiration pour Louis Malle ?

Mes amis, oui ! Par exemple Noah Baumbach et Alex Ross Perry. Et je sais que Richard Linklater parle de façon très éloquente de son œuvre. En France, son œuvre n’est pas aussi connue qu’elle devrait l’être.