C’est l’un des grands noms de la marionnette à New York. Le marionnettiste et scénographe Basil Twist crée à l’Opéra Comique Titon et l’Aurore, dirigé par William Christie, diffusé en direct mardi 19 janvier à 20h sur Medici.tv .

Il y a quelque chose de très joyeux à rencontrer Basil Twist et l’équipe de son spectacle. (…)  Titon et l’Aurore est une pastorale. Rien de très surprenant donc à ce que le plateau de la salle de répétition boulevard Berthier, soit jonché de marionnettes bouclées de béliers et de moutons. Certaines marionnettes sont grandeur nature, d’autres seront portées par les artistes, toutes sont d’un réalisme et d’une tendresse saisissants. Sur un mur, suspendues à des tiges de métal, des statues vouées à être enflammées par Prométhée. Elles ont été conçues par Basil Twist et ses collaborateurs dans son studio de Greenwich Village. Des sortes d’étoiles givrées projetées par ordinateur scintillent au fond de la scène. Basil Twist, la cinquantaine naissante, virevolte au milieu des techniciens, de marionnettistes et de chanteurs. En pleine construction de ses images scéniques, il teste, questionne, dirige en douceur. Ils répètent le deuxième acte de cette œuvre baroque du XVIIIe siècle, à la fois conte et allégorie, dans laquelle le berger Titon et l’Aurore fugitive s’aiment, malgré le passage du temps et la jalousie des dieux. Sur le plateau, Basil Twist a justement doté le maître du vent, Eole, d’ailes de soie parme, gigantesques et féériques, animées par quatre marionnettistes vêtus de noir. Le metteur en scène jouera de l’ombre et de la lumière pour faire vivre la soie dans Titon et l’Aurore.

Sur la route de la soie 

Le tissu est au cœur du travail de Basil Twist. Il a contribué à sa popularité, notamment lorsqu’il a créé à New York La Symphonie fantastique (1998) dans un immense aquarium de près de 2000 litres d’eau, dans lequel des étoffes chatoyantes évoluaient sur la musique de Berlioz. Pour l’air, Basil Twist aime la légèreté de la soie. Il sut s’en servir de façon prodigieuse dans Cendrillon (2013) pour réaliser le carrosse qui emporte la princesse sur la musique de Prokofiev et pour créer des effets somptueux et inquiétants dans le Songe d’hiver de Christopher Wheeldon, au Royal Ballet de Londres. Ou encore pour une production récente d’Aïda dans laquelle il a été engagé me dit-il le regard malicieux, exclusivement comme « chorégraphe de la soie ». C’est d’ailleurs par la soie qu’Olivier Mantei, le directeur de l’Opéra Comique, l’a découvert. Basil Twist se souvient. « J’avais mis en scène en 2014, à New York, au Lincoln Center, Le Sacre du printemps. Sans danseur, uniquement avec de la fumée, de la musique et de la soie ». Mais Basil Twist ne s’y cantonne pas, marionnettes à fil, à gaine, soie, vidéo, il aime tout ce qui lui permet de créer les images spectaculaires qu’il a en tête, souvent inspirées par des musiques. 

« Il faut faire des spectacles pour un public qui danse, qui boit. Il faut que ça soit très visuel, très fort et rythmé, tout le temps ».

(…)

Les créatures de la nuit

C’est à New York que Basil Twist achève son apprentissage. « J’ai découvert les boîtes de nuit, les cabarets, les travestis. Le monde de la nuit a énormément apporté à mon esthétique ». Basil Twist y découvre aussi le sens du rythme. « Il faut faire des spectacles pour un public qui danse, qui boit. Il faut que ça soit très visuel, très fort et rythmé, tout le temps ». Lorsque je lui demande si c’est pour cette raison que ses spectacles mélangent des matières et des formes si différentes, il éclate d’un rire sincère. « Oui ! J’ai beaucoup d’effets dans mes spectacles. Cela ne peut pas toujours être la même chose, après une minute, il faut apporter une surprise, et une autre, etc. ». Basil Twist adore les marionnettes raffinées, les formes humaines ou animales très fines, mais s’adapte toujours aux opportunités. « Dès que quelqu’un a quelque chose de fou à créer il fait appel à moi », me confie cet artiste éclectique, qui a –entre autres- réalisé des marionnettes pour les adaptations musicales de La Famille Adams, de Charlie et la Chocolaterie ou encore du Pee-Wee Herman Show à Broadway- et se passionne depuis 30 ans, pour la célèbre parade d’Halloween de New York. 

Mais la salle Favart, c’est une féérie particulière pour le marionnettiste habitué à Broadway. « J’adore être dans une salle à l’italienne. Avec ses cintres, ses perches, je la perçois un peu comme une immense marionnette à animer. C’est pour cela aussi que je suis scénographe pour Titon et l’Aurore, je cherche des solutions simples mais vivantes. C’est compliqué et fascinant ». Il en a d’abord élaboré les parties fantastiques « c’était facile d’entourer Éole de soie, d’entourer Aurore de lumière ; pour imaginer la robe de Palès, la déesse des bergers, je me suis inspiré des brumes de San Francisco qui me font parfois penser à des moutons…Et des moutons, des moutons et encore des moutons » (Rires). Basil Twist me confirme sa joie. « J’adore cette musique, je ne la connaissais pas mais j’aurais dit oui à n’importe quel projet ici avec William Christie. L’Opéra Comique est une grande scène, pourtant intime, pleine de charme et chargée d’histoire. ». Seul regret, sa famille, pandémie oblige, ne pourra pas venir voir Titon et l’Aurore « mais j’ai des amis en France » me dit-il. Ce n’est pas surprenant. 

Regardez Titon et l’Aurore créé en direct mardi 19 janvier à 20h sur Medici.tv.

Plus d’informations en suivant ce lien.