Avec Carnets de New York, Paolo Cognetti inscrit ses pas dans ceux des grands écrivains new-yorkais. Pour proposer un fragile et émouvant instantané d’une ville en perpétuelle métamorphose.

Tout le monde le sait : il existe des lieux – des contrées, des régions, des villes, des paysages – auxquels on aimerait constamment revenir. À peine quittés, on commence à se demander comment on va bien pouvoir y retourner. Pour la plupart d’entre nous ce n’est qu’un vœu pieux. Pour d’autres (les écrivains et les aventuriers souvent), pas question d’y renoncer : ils économisent, ils s’inventent des projets plus ou moins réalistes, ils se préparent de mille façons. Et cela pas seulement parce que les lieux en question seraient beaux, pittoresques, exotiques, agréables à vivre, fascinants, obsédants ou encore galvanisants. Mais, avant tout, parce que ces lieux sont des textes. Mieux : des sortes de textes infinis qu’on peut indéfiniment corriger, biffer, raturer, commenter, compléter. Des exemples de ces textes infinis, de ces lieux qui, bien qu’ils aient déjà inspiré des milliers de pages, exigent encore, exigent toujours, d’être décrits ? Eh bien vous les connaissez aussi bien que moi : Paris, Venise, Rome, Dublin, Istanbul, Le Caire, Beyrouth, Saint-Pétersbourg, Tokyo, Buenos Aires, La Havane, Los Angeles… et, bien sûr, New York, New York que Paolo Cognetti s’emploie, une nouvelle fois, à croquer dans de poétiques Carnets de New York.

Cognetti ne s’en cache pas : son ambition est de mettre ses pas dans ceux des grands portraitistes de la Grosse Pomme : Colson Whitehead, Paul Auster, Hubert Selby Jr, J.D. Salinger, Truman Capote. Mais aussi Herman Melville et Walt Whitman dont l’écrivain italien cherche les traces sur les berges battues par le vent froid de l’East River. Ou encore Jack Kerouac attiré par New York parce qu’on peut y écrire comme les musiciens de jazz jouent de la musique : « fous furieux… furieux de la vie… furieux du verbe…, qui veulent tout à la fois » et « que tout ce qui les entourait, bottait, façon première manière ». Mais si Cognetti s’inscrit dans cette glorieuse lignée, ce n’est pas pour les répéter ni pour en singer le geste littéraire. Mais bien plutôt, puisque New York ne cesse de changer et donc de disparaître, pour, tel un veilleur qui en arpente inlassablement les marges délaissées et qui recueille la parole de ses habitants, en conserver le legs, le maintenir en vie. Et ad infinitum, le compléter, le préciser.

Voilà pourquoi on peut dire que le principal mérite du livre de Cognetti – au-delà de la force poétique de ses croquis intimes – consiste probablement à… susciter chez d’autres écrivains, de nouveaux écrivains, le désir d’écrire sur New York. Ce qui, on l’aura bien compris, ne revient nullement à minorer son intérêt.

Carnets de New York de Paolo Cognetti, Stock, la Cosmopolite, 204 p, 17,50 €