Dommage que le surnom de « Tonton » ait été déjà donné à quelqu’un d’autrement moins drôle : il irait comme un gant à Benoît Delépine. C’est l’ami de la famille, le marginal qui fait rire tout le monde, dont la vie relève un peu de la légende. Pensez, l’homme né avec la Vème République (il est de 58, ça ne s’invente pas !), a été auteur des Guignols à la grande époque des années quatre-vingt-dix. Avec son copain Gus (tav) Kervern, il est l’auteur de Groland, une émission dont les sketches potaches et irrespectueux ont donné du relief et de la saveur à nombre de conversations depuis trente ans. Avec le même Gus, il est surtout depuis 2003 le réalisateur de dix films qui comptent ce que la France a fait de plus impertinent et surréaliste depuis Bertrand Blier. Rien de surprenant à cela, le film préféré de tonton est L’Âge d’or de Bunuel qu’il regarde au moins une fois par an dans sa maison située à quelques kilomètres d’Angoulême.

Effacer l’historique
De Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero, sortie le 26 août, Ad Vitam.

Comme dans la comédie italienne

Avant de parler de tonton, « sa vie son œuvre » comme il le dit lui-même quand il apprend que je veux lui dresser le portrait, il faut faire ici l’éloge de la dernière pépite cinématographique du duo, la plus drôle de toutes. Elle s’appelle Effacer l’historique et parle de nos addictions modernes, de la façon dont les nouvelles technologies ont envahi et usent nos vies. Ou comme le précise tonton, engoncé hilare dans un fauteuil d’un palace parisien : « de la misère existentielle à l’heure de l’intelligence artificielle. ». Au dernier Festival de Berlin, le film est reparti avec un Ours d’argent. Et a déclenché l’hilarité de la presse internationale. Je le sais, j’y étais et le raconte à Tonton. Derrière ses lunettes fumées, il explose de rire. « Ce qui est fou, c’est que vous ayez vu le film un mois avant le confinement. Car d’une certaine manière, le film parle déjà ça : de la façon, dont ces technologies nous confinent, nous isolent. ».

Effacer l’historique est un modèle d’écriture. Sans jamais donner l’impression de dérouler une succession de sketches, le film enchaîne sans temps morts des situations toutes plus formidables, hilarantes et inquiétantes les unes que les autres. À chaque scène, une idée, une pensée : on retiendra le coup des mots de passe rangés dans le congélateur, du livreur à vélo de packs d’eau (campé en caméo par le copain Benoît Poelvoorde), de l’usine à clics ou du patron d’une ferme biologique qui, au nom de l’écologie, fait se morfondre de culpabilité un veuf pour mieux lui faire payer ses dettes. Comme dans la comédie italienne, Kervern et Delépine tapent partout, dans tous les sens, équitablement mais sans jamais négliger la dimension humaine et collective.

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