Diane Mazloum est une Libanaise cosmopolite : née à Paris, élevée à Rome, ce n’est qu’au début du nouveau siècle, afin de suivre des études d’arts et de design à l’université américaine, qu’elle s’installe durablement à Beyrouth. Période où elle éprouve pour la première fois le sentiment « de faire corps avec son pays » et prend conscience – notamment en dévorant les écrivains français de l’après-guerre (Camus, Sartre, Vian, Perec, Robbe-Grillet) – de son désir d’écrire. Du Nouveau Roman, elle aime le goût pour l’expérimentation et s’imagine alors – avant de plus tard se décider pour la forme romanesque – écrire « autre chose que des histoires, des textes entrecoupés de documents visuels par exemple. »

Elle confesse s’être sentie au début un peu seule avec sa vocation. « Ce n’est pas un pays qui aide et encourage les activités créatrices, surtout quand on est une femme. ». Heureusement elle s’est « accrochée » et publie en cette rentrée Une piscine dans le désert, JC Lattès), son troisième roman. Méditation sur les notions de territoire et de frontière, le livre frappe par ses qualités d’évocation des lieux. Diane Mazloum décrit, sans jamais le nommer, un endroit où se touchent trois pays (le Liban, la Syrie, Israël). Dans ce « lieu qui contient le monde entier, ce lieu qui est comme un concentré du Liban », un homme et une femme – Léo et Fausta – se rencontrent et renouent, chacun à leur manière, avec leurs racines et leurs désirs les plus profonds. « C’est un roman qui ne traite pas de la guerre, mais plutôt de la façon dont la paix nous envahit au moment où nous nous y attendons le moins. »

Diane Mazloum fait partie de la génération née pendant la guerre, une génération qui a connu l’étrange après-guerre libanais, cette période tout sauf pacifique, marquée par une amnésie pesante. Comment cette génération ressent ce qui se passe aujourd’hui au Liban ? « Je ressens une très grande déception. Nous avons cru que le Liban allait changer. Mais petit à petit la situation s’est dégradée et aujourd’hui on assiste à la fin d’un monde. En ce moment toutes les amarres ont été coupées et les Libanais sont comme pris en otage dans leur propre pays. ». Elle évoque les restrictions bancaires illégales, les gens qui se suicident parce qu’ils ne peuvent plus subvenir aux besoins de leur famille, les personnes qui songent à se faire enlever un rein pour le vendre, etc. « Ceux qui ont connu la guerre disent que la vie était plus facile pendant la guerre que maintenant. Le risque est que le Liban perde son exception (multiculturelle, cosmopolite) pour devenir un pays sombre et opaque. Mon cœur est complètement pressurisé. Je tombe des nues par pallier sans savoir où est le fond. ». Pourtant elle retournera au Liban cet été. Elle a hâte. Tout lui manque : les gens, les odeurs, les lieux. Et elle songe déjà à son prochain roman – directement inspiré de ce qui se passe actuellement – où elle imagine un Liban du futur. On se demande bien à quoi il pourra ressembler, aussi bien dans la fiction… que dans le réel.