une affaireSi le nouveau Kore-eda n’était pas notre préféré de la compétition, reconnaissons que cette Palme n’est pas indigne. Il s’agit du meilleur film d’un véritable auteur qui explore depuis trente ans l’intimité de la sacro-sainte famille japonaise. Comme souvent chez l’auteur de Tel père, tel fils (2013), cette famille n’est pas biologique : un homme et un enfant recueillent une fillette maltraitée et l’initient, aux côtés d’une grand mère voleuse, d’une ancienne prostituée et d’une jeune call-girl, à l’art de la débrouille, des menus larcins dans les supermarchés. Comme toujours chez Kore-eda, il s’agit de confronter la famille que l’on s’est choisie à celle biologique, de séparer la loi du droit. Le réalisateur offre des scènes inoubliables, subtil mélange d’inventions graphiques, de sensualité et d’efficacité narrative : quand un enfant tombe d’un pont, on voit les oranges qu’il transportait se répandre sur le sol ; au cours d’une nuit d’orage, les parents en sueur dévorent des nouilles froides avant de refaire l’amour après des années. Très sévère à l’égard des institutions et de la tradition, la petite musique que l’on aurait tort de croire inoffensive de Kore-eda se révèle impertinente.