alias mariaÀ première vue, ça pour rait ressembler à du cinéma de genre. Nous sommes plongés dans une jungle étouffante, un décor que n’auraient pas renié John McTiernan ou William Friedkin. Quatre membres de la guérilla colombienne sont envoyés en mission. Ils doivent transporter le bébé que vient tout juste d’avoir leur chef, et le déposer dans une zone voisine sécurisée. Plusieurs impératifs s’imposent à eux : ils ont quatre jours pour mener à bien l’opération, en évitant de se faire repérer par les militaires qui veulent leur peau. Le danger est prégnant, peut surgir de chaque coin du cadre. Construit à la manière d’un intense survival, le scénario ménage accélérations dramatiques et accalmies. Il épouse toutes les sensations d’urgence, d’angoisse, d’épuisement et d’attente que traversent les personnages au cours de leur périple.

Alias Maria dépasse pourtant largement le statut de simple thriller exotique, en nous faisant pénétrer l’univers des FARC. La mise en scène se met à hauteur du personnage principal, Maria. Jeune recrue, secrètement enceinte, elle accompagne le groupe dans sa mission. Le spectateur observe la guérilla à travers ses yeux. Dans ce quotidien, toutes les femmes qui portent un enfant sont condamnées à avorter quand elles sont découvertes. Des enfants en très bas âge se déplacent avec des fusils. Quiconque contrevient aux règles posées par le groupe peut être froidement exécuté. Il faut pouvoir en quelques minutes lever le camp et déguerpir pour éviter d’être pris pour cible par les militaires colombiens. Encore adolescente, Maria est avant tout une observatrice curieuse de ce qui l’entoure. Envers les membres de son clan, elle oscille entre l’empathie et la révolte. Ainsi en va-t-il du film, jamais en surplomb. Désireux d’approcher la vérité du milieu décrit, José Luis Rugeles ne fait jamais l’impasse sur la cruauté et l’inhumanité du conf lit abordé, au travers de quelques soudaines séquences de violence sèche. Une simple question posée par un enfant recruté par les FARC en dit long : « Avec tant de gifles, qui n’apprend pas ? »

La forte sensation de réalisme vient aussi du casting, composé de jeunes comédiens ayant tous vécu de près la réalité dépeinte. Dans un rôle quasi muet, Karen Torres imprègne la pellicule de son visage dur d’enfant qui a grandi trop vite, a déjà trop vu, trop vécu. Sa sensibilité minimaliste sert ce film incisif, évitant les écueils de la démonstration par une mise en scène et un montage très maîtrisés.