insiangGoutte-à-goutte entêtant de l’eau quis’écoule dans un seau, dans un modesteintérieur de Manille. Ce motif visuel et sonore condense la dynamique du film de Lino Brocka, figure tutélaire du cinéma philippin dont ce Insiang, qui se liquéfie dans ses clairs-obscurs, est un fleuron. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 78, le film obéit à une mécanique des fluides, reposant sur le couple rétention/expansion. L’histoire d’Insiang, jeune et sublime blanchisseuse de Manille, flanquée d’un petit ami veule et tombée entre les griffes de Dado, l’amant de sa mère, Tonya, croque de grands pans de réel tout en visant à l’estomac (on pense à la violence inouïe de ce « tu es vieille, desséchée, ridée » lancé par Insiang à sa mère). Si Lino Brocka donne bien à voir un instantané de la Manille des années soixante-dix et de ses horizons bouchés, s’il capte bruissements de la rue et tensions familiales, si donc Insiang est bien un drame social, l’accent porte plus sur « drame » que sur « social ». Aux explications sociologiques, économiques ou culturelles, Brocka préfère la science du rythme. Ce rythme à deux temps, répression puis explosion, qui est par essence celui du désir. Et sans doute est-ce à cette pulsation primordiale que ce film d’hier et d’ailleurs reste d’ici et d’aujourd’hui