your nameA quoi rêvent les jeunes filles ? Les nuits de Mitsuha sont hantées par un garçon, Taki. Rien de moins banal pourtant. Car dans ses songe cette petite ado campagnarde échange son identité avec un garçon qu’elle n’a jamais vu, Taki, serveur à Tokyo. Effetmiroir : Taki le citadin rêve de son côté qu’il est cette jeune fille. Fort de son triomphe au Japon, avec plus de quinze millions de spectateurs, Your Name aura vite fait d’adouber son jeune et déjà prolifique auteur, Makoto Shinkai, en relève de Hayao Miyazaki, sinon en espoir confirmé de l’animation nippone. C’est en tout cas comme ça qu’a été annoncée la sortie en France de cette splendeur, à la fois comédie des apparences, peinture du monde moderne et mélodrame mélancolique. A la différence du grand maître japonais, Miyazaki, Shinkai ne célèbre pas la vie à la campagne. Au contraire, son héroïne, Mitsuha, rêve de Tokyo. Elle s’ennuie à mourir dans sa petite ville auprès d’une grand-mère qui perpétue les traditions les plus ancestrales. Au cours d’une scène, elle hurle sur une colline, au-dessus du village, son désespoir de demeurer prisonnière d’un monde immobile. Taki lui-même, jeune homme en apparence très banal, n’a aucune envie de quitter la mégalopole. Au cours de la première partie, le réalisateur anime de façon inédite la modernité avec un grand souci de réalisme : un homme prend son petit déjeuner devant sa tablette numérique, les deux ados communiquent leurs impressions par SMS et ponctuent leurs commentaires par des smileys. Shinkai n’a de cesse de mettre en valeur la vitesse de la ville, les appareils numériques, les immeubles en verre mais aussi des distributeurs de boissons. Il campe ses actions sur des places à écrans géants, dans des restaurants lounge aseptisés. A mille lieux d’un imaginaire animiste, pastoral ou légendaire, il parvient à faire de l’ultra contemporain une source infinie d’émerveillement, de matières à rêveries. Au cours de la seconde partie, le film prend une tournure plus grave. Mitsuha et Taki découvrent qu’ils ne sont pas seulement séparés spatialement mais aussi temporellement. Mitsuha est morte dans son village qui a été détruit par une comète. L’histoire d’amour annoncée se transforme en rêverie fataliste. A travers le temps, les deux héros cherchent pourtant à éviter l’irréparable pour se rencontrer. Taki manque même de croiser l’esprit de Mitsuha au bord du cratère où la comète a explosé trois ans plus tôt. Bien que de plus en plus funèbre, le rythme alerte du film ne faiblit pas. Your Name devient même une course folle contre l’inéluctable. Découvrant son sinistre destin, la jeune fille tente d’alerter les habitants du village pour les faire fuir, notamment son père, maire du village, sourd aux cris de sa fille. Débute une séquence ahurissante : tandis que la comète se déploie en myriades de couleurs au dessus du village apaisé, Mitsuha court au-dessous comme si cette jeune fille déjà morte pouvait encore l’arrêter. A Tokyo, Taki regarde la comète funeste passer au-dessus de lui. C’est dans ce décor de réminiscence extraordinaire du tsunami de 2011 que Shinkai invente un final inattendu pour transformer définitivement Your Name en chef-d’oeuvre romantique.