Montée par la compagnie Juste avant la compagnie et portée par sa metteure en scène Lisa Guez, la pièce défie audacieusement une vision binaire et stéréotypique des relations hommes femmes tout en explorant le désir féminin. Ravis par la représentation que nous avions pu voir, nous le sommes plus encore par ce prix qui récompense un travail précis et sensible. Le prix du Jury assure au spectacle une tournée dans les lieux partenaires, notamment un détour par le IN du festival d’Avignon. Professionnels et amateurs se sont accordés sur la qualité de cette pièce puisqu’elle a également obtenu le Prix des lycéens. Le Prix du public a été, quant à lui, décerné à INOXYDABLES de la compagnie En Acte(s) et le Prix SACD à Axel Cornil pour Ravachol. Afin de conclure comme il se doit cette édition, nous avons rencontré l’actrice Clotilde Hesme présidente du jury, et habituée des planches comme des tournages.
Après deux semaines de représentations, que retenez-vous du festival Impatience ?
J’avais très envie de me retrouver dans le public et de voir des jeunes acteurs vibrants et rayonnants. Impatience, c’est prendre le pouls et la température d’un théâtre émergent, savoir ce qui traverse les jeunes compagnies aujourd’hui et ce qui les met en mouvement. Il y avait un niveau de jeu d’interprétation incroyable et très maîtrisé. J’ai trouvé l’engagement des compagnies inouï, elles m’ont vraiment impressionnée et je souhaite leur dire “bravo ». Le festival donne également un éclairage fort à des troupes qui, à l’instar de la compagnie de Lisa Guez, n’avaient aucun producteur et répétaient dans leur appartement !
Qu’est-ce qu’on attend des compagnies retenues pour le festival Impatience ?
On attend un point de vue fort sur ce qui est raconté. Quand je vois une pièce, je ne veux pas sentir les références partout. J’attends quelque chose d’inventif et d’audacieux. C’est ce que j’ai retrouvé dans Les Femmes de Barbe Bleue. Il y avait une puissance d’évocation qui permettait de rendre le spectateur actif , il était partie prenante du spectacle. Je ne veux pas dire qu’il faut faire venir les gens sur le plateau mais qu’une pièce doit être le moyen de réfléchir ensemble.
Impatience est aussi une manière d’avoir un échantillon sur ce qui se fait aujourd’hui en théâtre. Selon vous, qu’est ce qui fonde le théâtre contemporain ?
Pour moi, le théâtre contemporain est très axé sur l’écriture collective et je trouve cela assez réjouissant. Par exemple, durant le festival, une seule pièce sur huit, La Ville, a été jouée à partir d’un texte existant. J’ai l’impression que les compagnies actuelles ont besoin d’apporter une parole nouvelle qui leur appartient, qui soit plus personnelle et plus intime.
Comment Les Femmes de Barbe Bleue s’est distinguée parmi toutes ces pièces?
C’est tellement important aujourd’hui de complexifier la pensée et le débat autours des sujets hommes femmes. C’est collectivement que l’on arrive à parler de ces choses-là et sûrement pas en renvoyant les hommes et les femmes dos à dos. Dans cette pièce, il n’y a pas de victimisation et c’est ça que l’on a adoré. Ce n’est pas accusateur contre le genre masculin, il s’agit de plutôt voir des mécanismes d’oppression et comprendre comment on les a intégrés. Ce monstre, Barbe Bleue, peut être en nous tellement on l’a digéré et intégré. Par ailleurs, j’ai trouvé que la pièce avait réussi à créer une puissance d’imaginaire avec rien si ce n’est avec l’art de l’acteur or, c’est très important de pouvoir faire confiance aux acteurs.
© Morgane Moal