national galleryCette Leçon d’anatomie-là n’est ni de Rembrandt, ni à l’huile. Frederick Wiseman, sémillant vétéran du docu US au long cours (ce dernier opus aligne sans ciller ses trois heures – sans une once de lassitude), promène sa caméra sur les parquets de la National Gallery. Rayons X : la vieille dame anglaise est exposée sous toutes ses coutures. Attractions touristico-esthétiques (Les Ambassadeurs d’Holbein et leur fameuse anamorphose) ; expos retentissantes (Léonard de Vinci) ; cours d’histoire de l’art ; débats sur la vocation « événementielle » du musée ; méticulosité bénédictine des travaux de restauration : la visite est dense, passionnante. Et le guide jamais importun : Wiseman, à son habitude, ne plaque pas de voix off sur ses images. Mais la National Gallery n’est pas seulement un site et une institution : c’est aussi un modèle. Un emblème ou une allégorie, pour rester dans la peinture. Car la National Gallery est le double rêvé, idéal, du cinéma de Wiseman.

Une guide invite les visiteurs à entrer par l’imagination dans l’église du tableau qu’ils contemplent – tout comme Wiseman propose à ses spectateurs une immersion dans les lieux qu’il leur montre. Des responsables évoquent la nécessité de tenir compte du point de vue du public et pas seulement de celui des spécialistes. Une ambition qui a toujours été celle de Wiseman : donner à voir à tous, sans maniérisme formel, sans surcharge de références, bref, sans grammaire abstruse à destination des « happy few ». Quant aux nombreux plans sur les visages du public, ils rappellent que l’objet du cinéma, c’est d’abord la figure humaine – comme sur les tableaux qui scandent le trajet des visiteurs. Wiseman est entré au musée avec ce National Gallery, mais il y a toujours été.