Dans Et maintenant ?, Joaquim Pinto partait du plus intime – les traitements médicaux corsés qu’on lui administrait contre le VIH – pour élargir sa chronique au couple, au pays, au monde. Le Chant d’une île part au contraire d’un fait collectif : un village de pêcheurs des Açores est sur le point d’être remplacé par une plate-forme industrielle. Tournée de 1999 à 2001 mais retravaillée depuis, cette chronique rappelle le meilleur du documentaire poéticoethnographique, dans le sillage de La terre tremble de Visconti et surtout du Monde perdu de Vittorio De Seta. D’abord intéressés par un artisanat menacé, Pinto et Leonel rencontrent Pedro, pêcheur indépendant, et tirent le fil de cette amitié nouvelle. La beauté du film tient au récit des liens patiemment tissés avec cette communauté. Partis filmer une mort imminente, les cinéastes ramènent dans leurs filets les manifestations d’une vie qui persiste à durer, et d’une liberté à laquelle Pinto, affaibli par la maladie, s’abreuve de plus en plus : le rite d’initiation n’est finalement pas celui des jeunes pêcheurs mais des cinéastes, traversés par l’île et comme chantés par elle.

Le Chant d’une île
de Joaquim Pinto et Nuno Leonel
Norte Distribution. Sortie le 21 octobre