la fête est finieDrogue et cinéma sont un vieux couple, et les junkies des écrans n’ont que l’embarras du choix : More, Drugstore Cowboy… Vente, consommation, tout y passe – sauf le sevrage, qui mobilise moins les réalisateurs. Première qualité de La fête est finie, premier long-métrage de Marie Garel-Weiss : s’aventurer, justement, sur ce terrain délaissé. Céleste (Clémence Boisnard, pleine de fougue), 19 ans, toxico, a coupé tout contact avec sa mère. Caméra portée proche, très proche du visage, comme pour coller au plus près de l’énergie brute que la jeune femme dégage. Inquiétude du spectateur : le film semble d’abord prendre le sentier battu et rebattu de la chronique post-ado. Pour épouser au plus près une vie cabossée, avec ses sautes et ses impasses mais qui, in fine, trouvera une rédemption par l’amour, ou par l’intégration dans la société. 

Si Clémence finit en effet par s’en sortir, trouver un emploi stable, un appartement à elle, son parcours se révèle heureusement moins fléché, moins programmatique, que prévu. Car, très tôt, elle croise Sihem (Zita Hanrot), 26 ans, avec qui elle partage une chambre dans un centre de désintoxication. Dès lors, la chronique attendue bascule vers quelque chose de plus trouble. Une autre dépendance, celle qui lie les deux filles. Comme le souligne le directeur de l’établissement, l’amitié fusionnelle prend la place de la drogue. Et c’est elle, plus que l’histoire de Céleste, qui est le coeur du film, conditionne le récit. 

Elles font le mur un beau soir, en quête d’un « grec ». Et se font renvoyer du centre. Mais, suffisamment débrouillardes, suffisamment complémentaires, elles se trouvent une chambre dans un hôtel. Premier réflexe du spectateur : voir dans cette connivence et cette fusion (elle se lavent ensemble, partagent une grande intimité) une relation de couple qui ne s’avoue pas. Rien n’est jamais dit d’une éventuelle attraction mutuelle. Et quand sexe il y a, c’est au hasard des rencontres avec des garçons, dont un qu’elles se partagent. Mais l’attraction érotique et sentimentale reste comme en filigrane, elle est seulement un possible. Et c’est bien cela qui intéresse la réalisatrice dans l’addiction. La façon dont tout est susceptible de devenir objet de dépendance. Clémence et Sihem doivent compenser le manque de drogue par des substituts pour au moins essayer de s’en sortir. On aura certes droit à la grande scène de rechute, où nos héroïnes se laissent aller à sniffer un nouveau rail de cocaïne, mais la toxicomanie n’est qu’une facette de cette addiction généralisée. Comme s’il n’y avait jamais vraiment de sevrage possible.