quatrième voieOn ne sait pas s’il y a une déesse de la peur dans le panthéon indien, mais, avec cette Quatrième voie  au rythme faussement torpide, mais innervé par l’angoisse, elle a son fi lm. Une déesse qui serait dotée du même nombre de bras que le tentaculaire Shiva, puisque la peur, dans le Pendjab des années quatre-vingt où ce récit à tiroirs déplie lentement ses différentes strates, se ramifie comme un mal inexpiable, touchant tout et tout un chacun au fil de plans patinés de clairs-obscurs à la beauté livide. Il y a d’abord ces deux hommes qui pressent le pas pour attraper un train qui leur échappera : stress, impatience nerveuse, un degré zéro inoffensif de l’angoisse. Le duo trouve in extremis , à l’issue de tractations qui confi nent au burlesque sous sédatif, une place dans un train censément interdit aux voyageurs. Flash-back : l’un des deux se revoit dans la campagne pendjabi, flanqué de son épouse et de sa fi lle, fourvoyés au milieu des champs et de la nuit. Il hèle, craintif, les habitants d’une ferme – une bâtisse trapue, simili-forteresse en forme de cube. Nouveau changement de braquet du récit, nouvel avatar de la peur : on plonge dans l’intimité des occupants, une famille qui tremble, menacée par les brutalités des deux camps qui s’affrontent sur le territoire, les indépendantistes sikhs et l’armée hindoue. Et au coeur de cette histoire, noyau dur et noir du fi lm, un martyr à quatre pattes : Tommy, le chien de la maison. C’est toujours pareil lorsque la peur s’installe : les innocents trinquent.