loi de la jungleOn a vu, chez Honoré, Guy Marchand jouer avec Louis Garrel, Michel Delpech avec Catherine Deneuve, Muriel Robin avec Anaïs Demoustier. On a vu Éric Judor devenir l’acteur fétiche de Quentin Dupieux. Cannes a vu Melvil Poupaud donner la réplique à Virginie Efira dans le nouveau Justine Triet. Et le Gaz de France  de Forgeard rassemblait Philippe Katerine et Philippe Laudenbach, lequel croisait Jérémie Elkaim dans La guerre est déclarée  et se retrouve ministre dans La Loi de la jungle , second long métrage d’Antonin Peretjatko où Pascal Légitimus et Jean-Luc Bideau festoient avec Vimala Pons et Vincent Macaigne. Partout des comédiens affiliés à ce que certains retardataires appellent le cinéma branché, ou parisien, ou bobo, cohabitent sans heurts avec d’autres issus de ce que certains non moins retardataires appellent le cinéma populaire.

À ce niveau statistique, il ne s’agit plus d’une simple contingence, résultant d’un pari économique sur un casting hybride susceptible d’accrocher l’attention d’un maximum de niches. Les auteurs français les plus singuliers de ces dix dernières années ne parient pas sur l’hybride, ils sont hybrides. Ils ne visent pas des niches, ils les démontent, à commencer par celle du cinéma d’auteur où ils se sentent à l’étroit.

Fantaisie

Parler de phénomène générationnel sera un peu court, surtout si le concept repose sur une catégorie jeunesse peu opératoire en l’espèce. Les réalisateurs cités sont presque tous quadragénaires. Dans un pays où, nous rappelle un dialogue de La Loi de la jungle , l’âge moyen des stagiaires est celui des généraux napoléoniens, un cinéaste émergent peut avoir quarante-deux ans comme Peretjatko. Il faut donc préciser. Noter que pour ces gens grandis avec la télé, les films d’auteur sont arrivés dans la même fournée que les filmsdu- dimanche-soir. Rappeler que dans ce havre d’horizontalité, une chaîne pouvait programmer un Hitchcock sur une case occupée par Viens chez moi, j’habite chez une copine  la semaine précédente. On avalait tout sans distinction. Le haut et le bas se mêlaient, se brouillaient. Lorsque à leur tour ils passèrent à la réalisation, les émergés à quarante ans ne voulurent pas débrouiller ce joyeux écheveau ni renier certains enthousiasmes illégitimes (on voit bien l’ado Peretjatko captivé par une diffusion sur FR3 de Et la tendresse ? Bordel ! ) au profit d’enthousiasmes autorisés. Ils firent des films portant haut ce que Honoré appellerait leur impureté. La Fille du 14 juillet sembla né d’une rencontre entre Michel Lang et Godard.

Aussi vrai que le comique est un sujet sérieux, l’affaire est cependant plus profonde, plus conséquente esthétiquement. Le croisement entre les généalogies ne doit pas être mis sur le seul compte d’une hétérogénéité assumée des goûts. Le croisement est convergence. Vers quoi convergent l’axe Légitimus-Bideau et l’axe Pons- Macaigne ? Disons d’abord : vers la fantaisie. Pour les uns et les autres, le cinéma est, à la base et in fine , un périmètre ludique. On le fréquente et le pratique d’abord pour s’amuser. Bien que le tournage en pleine jungle n’ait sans doute pas été qu’une partie de plaisir, on imagine qu’a dû jouer, dans la genèse de ce scénario exotique, l’équipée guyanaise que sa mise en image promettait.

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