beau soleilClaire Denis continue de surprendre et d’explorer différents registres et genres, tout en conservant son style audacieux. Avec Un beau soleil intérieur, présenté en ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs au 70e Festival de Cannes, la cinéaste de 71 ans nous invite à sonder l’état amoureux d’une artiste peintre quinquagénaire, incarnée par une Juliette Binoche radieuse, sensuelle et spirituelle. Cette comédie dramatique se révèle un bijou sur les relations sentimentales, grâce à un scénario affûté et intelligemment écrit à quatre mains, entre la cinéaste et la romancière Christine Angot, qui séduit l’auditoire dans une orchestration de dialogues sarcastiques et désopilants. Toutes deux n’hésitent pas à railler le milieu de l’art et de la bourgeoisie, à jouer des clichés et de l’absurdité des situations aussi cruelles que drôles, tendres, saugrenues et insensées. Ce duo gagnant de réalisatrice/ scénariste s’inspire de leurs propres expériences amoureuses ou, comme le formule Claire Denis, leurs « agonies amoureuses ». Avec la collaboration d’Agnès Godard à la photographie, qui capture avec délicatesse les facettes de la capitale parisienne, elles livrent ici une approche féminine sur les questions du désir, de la compatibilité émotionnelle et de l’identité. Denis et Angot posent un regard presque sociologique sans enfermer leur point de vue sur les sexes opposés. Un beau soleil intérieur explore ainsi par fragments la vie sentimentale d’Isabelle, une mère divorcée qui tente de trouver l’amour, le vrai, l’absolu. Mais de relation en relation et sans savoir véritablement ce qu’elle veut, elle semble se cantonner à chercher l’impossible, voire à se bercer d’illusions. À la fois enjouée, fragile, triste et dépressive, Binoche resplendit, jouant sur les différentes gammes émotionnelles pour transmettre, avec un talent naturel, les sentiments qui la traversent. Les hommes d’Isabelle ne veulent pas s’engager. Mais y est-elle elle-même disposée ? Dès l’ouverture, Claire Denis montre l’incapacité de cette femme à satisfaire ses envies et attentes avec ses prétendants ; du banquier marié abject (Xavier Beauvois) à l’acteur indécis et perturbé (Nicolas Duvauchelle), en passant par son ex-mari (Laurent Grevill), son voisin guilleret (Philippe Katerine) et son ami galeriste snob et jaloux (Bruno Podalydès). Ces moments sont renforcés par une bande-son assez jazzy, qui trouve son paroxysme sur le magnifique morceau apaisant « At Last » d’Etta James, lors de sa rencontre avec un inconnu (Paul Blain) dont elle s’éprend sur une piste de danse. Tous ces badinages incessants se réitèrent jusqu’au dénouement, avec un Gérard Depardieu qui donne sa pleine mesure en médium inspiré. Si l’oeuvre repose essentiellement sur les dialogues, Un beau soleil intérieur dévoile ses charmes, dépeignant avec originalité les affres existentielles d’une femme complexe et cérébrale.