bonitzerTemps de novembre au mois de juin. Pour parler de Tout de suite maintenant, on a donc décidé avec Pascal Bonitzer de bouder les troquets qui nousdésolent depuis quelques semaines avecleurs terrasses installées en pure perte.Rendez-vous est pris dans les locaux de Transfuge dans une ambiance studieuse de fin de bouclage. Pascal Bonitzer n’a rien bu. Ni café, ni Coca, ni ce cognac millésimé que chaque grande occasion est un prétexte à ressortir à la rédaction. C’est la première fois que l’on recevait leréalisateur de Rien sur Robert et Cherchez Hortense, qui revient avec son meilleur fi lm. Obéissant à l’injonction donnée par le titre, on est partis sur les chapeaux de roue, on a évoqué sa carrière pendant quinze ans de critique et théoricien aux Cahiers, de scénariste de Ruiz, Akerman, Téchiné.« C’est Rivette qui m’a donné le courage de réaliser des films. » Pour autant, ce septième long n’a rien à voir avec le travail improvisé, « écrit au fi l du tournage » de Rivette. Il s’agit plutôt d’un film au script structuré au millimètre comme les aime Bonitzer,qui confesse préférer l’art du dialogue àcelui du canevas, et celui de l’écriture à la réalisation. Tout de suite maintenant est comme une révolution dans son système. D’abord il s’est entouré à la photographie de Julien Hirsch, chef op de Jean-Luc Godard, qui lui a demandé avant de débuter de procéder à un découpage de son fi lm. Cela a permis à Bonitzer de mieux affronter l’épreuve du montage qui l’angoisse. Autre révolution, le fi lm ne se passe plus dans les milieux intellectuels. Avec sa collaboratrice, Agnès de Sacy, il s’est plongé dans l’univers de la fi nance après avoir songé à adapter Les Employés de Balzac. Si ce monde n’a a priori rien à voir avec celui des critiques et des écrivains, il est tout aussi féroce. On aime ici comme dans les institutions bancaires humilier et « surtout manipuler » en public son prochain. Chaque mot prononcé résonne comme un souffl et ou un coup de bluff. Au cours de l’entretien, Bonitzer, calme, pondéré, impénétrable prend le temps de choisir ses mots avec méticulosité, comme le personnage de mathématicien campé par Jean-Pierre Bacri. « Il y a deux temps dans mon film, celui véloce de la fi nance, et celui de la lenteur qui est celui de la recherche. » Autre révolution – et de taille –, le personnageprincipal n’est plus un « homme d’âge mur » mais Nora, une jeune fi lle (interprétée par sa fille, Agathe) recrutée par une société dont les patrons ont jadis bien connu et haï son père. Pour autant, si Bonitzer convient qu’il s’agit bien d’un « récit d’initiation », Nora n’est pas une ingénue. « Il ne faut surtout pas l’être dans ce monde-là, sinon on est très vite mis à mal. » Intrigues de bureau et irruption du passé se mêlent jusqu’au vertige du fantastique. Si l’humour est moins présent que d’habitude, il a été remplacé par des trouées oniriques. Et surtout, une émotion plus franche, moins cérébrale, que par le passé. Sortons le cognac.