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Que le cinéma dialogue avec les autres arts, qu’il se nourrisse d’eux et les influence en retour, voilà une chose que nous, historiens du cinéma, savons depuis longtemps. Mais à quel point cet échange est organique, étroit et fécond, voilà une chose que, parfois, il nous arrive d’oublier. Voilà, surtout, une chose qui, lorsqu’elle nous est remémorée et précisée, aiguise notre perception et enrichit notre sensibilité esthétique. C’est le grand mérite de Arts et cinéma, les liaisons heureuses, une exposition qu’on peut voir jusqu’au 10 février prochain au Musée des Beaux-Arts de Rouen, que de nous rappeler de façon particulièrement éloquente et vivace à quel point le septième art communique avec la peinture, la sculpture, la musique, etc. A travers plusieurs moments clefs de l’histoire du cinéma (« Les frères lumière et la coincidence impressionniste » », Charlot, peintre cubiste », « l’inquiétude expressionniste », « le dynamisme révolutionnaire », « le cinéma, l’art surréaliste par excellence », «  l’invention du cinéma moderne, la nouvelle vague »,etc.), le visiteur, émerveillé, refait l’expérience de ces liaisons heureuses.

Comment, par exemple, ne pas être saisi par les points communs entres certaines vues Lumière et certaines toiles de Sisley, Pissaro ou Monet ? Ce n’est pas seulement les sujets qui sont les mêmes, mais aussi les cadrages ! Ou comment ne pas être frappé par les parentés entre La danse du papillon d’Alice Guy et les oeuvres de Delaunay et Duchamp ? Ou encore par celles qui rassemblent les affiches de Rodtchenko et les images d’Eisenstein ? Ou enfin par celles qui rapprochent les anthropométries d’Yves Klein et la séquence finale de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard (qui d’ailleurs filme la mort du personnage interprété par Belmondo dans A bout de souffle devant l’atelier du peintre) ? A chaque fois, il ne s’agit pas seulement d’influences ou de ressemblances mais de véritables convergences et coalescences qui viennent dilater notre rapport au cinéma et à l’art en général.

Last but not least, et c’est sans doute la découverte la plus émouvante de la visite, les Beaux-Arts de Rouen présentent pour la première fois quelques unes des pièces du fonds Anne Wiazemsky. Il y a peu en effet l’actrice d’Au hasard Balthazar légua au musée une toile de Jacques-Emile Blanche représentant Jeanne Mauriac, sa grand-mère, un tableau qui pris naturellement sa place dans un lieu où se trouvent de nombreuses oeuvres du peintre (dont un portrait de François Mauriac). A partir de ce legs inattendu, l’exposition montre un ensemble de photographies prises par l’actrice (dont certaines de Godard qui fut son mari), d’affiches et de documents inédits (dont certaines notes de travail du réalisateur de La Chinoise et certaines télégrammes amoureux beaux à en pleurer).

En bref, l’exposition Arts et cinéma, les liaisons heureuses parvient à retremper et raffermir notre sensibilité esthétique et à approfondir notre rapport au cinéma.