Ils se rencontrent en Espagne, se plaisent, font l’amour en voiture, s’installent ensemble à Paris, font un enfant, se séparent. Rien de plus banal que l’histoire d’amour de la première partie de Plonger, mais le tout est mené avec une grande délicatesse. Ce qui séduit en effet très tôt, dans le couple formé par le Français César (Gilles Lellouche) et l’Espagnole Paz (María Valverde), c’est l’impression de plénitude dont il donne l’apparence. On a longtemps le sentiment que le film pourrait se contenter d’observer sans ennuyer leur amour presque sans faille, fusionnel et complice. Elle et lui se sont en quelque sorte « bien trouvés ».

plongerMais il y a un problème : l’annonce de la grossesse de Paz, qui aurait pu pourtant consolider encore un peu plus cet amour. La maternité ne saurait combler la jeune femme, et un sentiment de manque, encore très diffus au début du film, se dessine plus nettement. Car Paz rêve d’ailleurs. Elle, la photographe, a besoin d’échapper à la sphère domestique. Ainsi, en rentrant un soir à l’appartement, César ne sait comment accueillir cette nouvelle plutôt surprenante : sa compagne a adopté un requin à Oman. Plonger est une variation plutôt inattendue sur la crise du couple : ni l’adultère, ni le désamour ne sont en cause. Mais c’est l’appel des lointains, la quête du dépaysement qui vient s’immiscer et tout détraquer. 

Mélanie Laurent a l’intelligence de ne pas asséner de démonstration. Elle préfère déployer la crise par de subtiles gradations, et faire confiance au spectateur pour saisir chacune des étapes de cette chronique. Ainsi, après la naissance de l’enfant, constate-t-on que les corps de Paz et César se font progressivement plus distants. María Valverde sait rendre sa frustration croissante, son isolement au sein du couple avec une intensité magnétique. Gilles Lellouche, lui, joue une partition toute d’inquiétude et de circonspection, à mesure qu’il sent Paz s’éloigner de lui. C’est une des grandes forces de Plonger, ces deux acteurs au jeu incarné, et c’est toute la générosité de Mélanie Laurent, qui leur confie son film. 

Paz disparaît et Plonger bifurque vers l’aventure et vers la pure expérience esthétique. L’action se déplace de la France et de l’appartement parisien du couple aux hôtels et vastes paysages d’Oman. Et en partant sur les traces de Paz, César, à défaut de raviver la flamme éteinte, finit par la comprendre enfin. Il sera bien question d’eau, de mer et de mère, dans Plonger. En quittant sa vie familiale, Paz a surtout voulu se rapprocher de ce qu’elle considérait – peut-être – comme son enfant le plus légitime : son requin. Il n’est alors pas anodin de voir César s’initier à son tour à la plongée, dans des scènes d’immersion captivantes et amniotiques. 

Mélanie Laurent avec ce film confirme avec audace les qualités d’écriture et de mise en scène que laissaient entrevoir ses premières fictions.