moneyLe réalisateur géorgien installé en France nous revient en grande forme sur les écrans, après L’Héritage et 13 Tzameti, son premier film récompensé à Sundance et à Venise en 2006. Money est un thriller en huis clos oppressant, qui nous entraîne dans un quartier ouvrier du Havre. Si la première partie met du temps à s’installer, le second acte resserre l’étau et plonge un trio de personnages paumés, en quête d’une vie meilleure, dans une spirale inextricable. Cette réussite, on la doit à une mise en scène tirée au cordeau, une petite touche d’humour décalée et à un casting efficace. Alex (Charlotte Van Bervesselès), témoin d’un échange, parvient à convaincre son frère (Vincent Rottiers) et l’ami d’enfance de ce dernier (George Babluani) de cambrioler une maison dans laquelle se trouve une mallette pleine de billets qui pourrait définitivement changer leur existence sans avenir. À leur arrivée, ils découvrent un homme, dont ils ne savent rien, sur le point de se pendre. La décision qu’ils prennent de le sauver pour récupérer l’argent, caché dans le coffrefort, enclenche un processus qui va totalement les dépasser, laissant filer peu à peu leur rêve d’une potentielle seconde chance. Si Babluani reste sur le terrain balisé du genre via cette thématique et la psychologie des personnages, tout prend forme dans l’orchestration qu’il maîtrise haut la main. Le cinéaste focalise sa caméra sur ce trio de la classe populaire confronté à ceux qui détiennent le pouvoir. L’argent ne fait décidément pas le bonheur. Et l’appât du gain devient source obsessionnelle pour ces jeunes qui se fantasmaient déjà une porte de sortie providentielle. Ils vont trahir et devenir des machines à tuer, tout comme cet homme dont ils découvrent l’identité influente. Ce secrétaire d’État arrogant et corrompu (Louis-Do de Lencquesaing) s’apprête à succéder au ministre de l’Intérieur. Mais l’argent, provenant de la mafia locale, ne semble plus rien signifier pour cet homme confronté à un scandale qui pourrait détruire sa carrière. Un appel téléphonique de celui qui le fait chanter (Olivier Rabourdin) va pourtant changer radicalement la donne. Dès lors, au jeu de l’avidité, Babluani se plaît à confronter tout ce petit monde. Les visages se dévoilent et s’assombrissent, comme l’intrigue absorbée par cette nuit angoissante dont on se demande ce qu’elle laissera aux premières heures du jour. Au casting, celui qui sort également du lot, c’est Benoît Magimel, bien que sa présence à l’écran reste minime. Calme et implacable, avec ses lunettes et son look surannés, il excelle dans ce rôle de tueur à gages ventripotent. La scène du bébé dans le train reste sans doute l’une des plus mémorables, à l’image des deux morts suspendus, attachés l’un à l’autre. À travers ce cambriolage qui se transforme en véritable carnage, Babluani livre ainsiun thriller crépusculaire sans répit et plein de verve sur les inégalités sociales, le pouvoir et la corruption.