Un jeune homme ne pense qu’à ça. Mais vraiment qu’à ça. Au sexe. Chapitre « Fou de la chatte » : « Ai-je mentionné que lorsque j’avais quinze ans, je l’avais sortie de mon pantalon et j’avais déchargé dans l’autobus 107 en revenant de New York ? » Voilà comment s’exprime le narrateur, 33 ans. L’auteur précise : « je fus donc embarqué dans le métro vers 10 heures pour Manhattan où je pris à destination du New Jersey l’autobus au bord duquel j’empoignai à pleine main non seulement ma bite mais ma vie entière – si l’on y réfléchit bien ». « Bite mais ma vie entière », « si l’on y réfléchit bien ». Du sérieux sur du trivial. L’humour façon Philippe Roth. Portnoy et son complexe. Roman à mourir de rire, du Roth jeune. Le Roth satiriste des débuts. Satiriste de son milieu d’origine, juif. Milieu, nous raconte-t-il dans ce roman, plein d’interdits et de tabous. Une famille, un papa et une maman, imprégnée de tradition juive. Roth et son personnage, Alex Portnoy, se révoltent contre, par un humour féroce, destructeur. On ne reviendra pas dans notre dossier de ce mois-ci sur l’humour de ce Roth-là, bien connu aujourd’hui des lecteurs, et traité abondamment dans la presse littéraire. En revanche, il nous a paru opportun de nous pencher sur le late Roth, le Roth de la vieillesse. Le Roth où semblent dominer plutôt ses soucis de diabète et d’impuissance que l’humour. Reste-t-il du rire dans ses derniers livres ? Est-ce le même humour provocant qu’à ses débuts ? Nous répondons à la question.
 

Jean Echenoz

          Le choix d’aller du côté d’Echenoz peut paraître surprenant au vu de sa production actuelle. On pense à sa trilogie Ravel, Des éclairs, Courir, a priori pas à hurler de rire. C’est oublier un peu vite qu’au départ Echenoz donnait dans le comique. Précisément dans son deuxième roman, Cherokee, où les images drolatiques se succèdent. De l’absurde au burlesque, Echenoz étonne au premier abord par sa recherche de la légèreté. Exemple du burlesque : « Son chapeau mou qui ballottait sur son crâne comme un flan. » Plus étonnant encore, à relire de près sa trilogie, on s’aperçoit que des traces d’humour du jeune Echenoz subsistent.

Les écrivains du New Yorker

          On connaît bien les fameux cartoons de la revue américaine de l’élite intellectuelle new-yorkaise. Notamment grâce au travail précieux de Jean-Loup Chiflet (citons par exemple Le New Yorker, l’humour au bureau, Editions Les Arènes). On sait peut-être moins qu’une poignée de romanciers s’est escrimée à faire rire ses lecteurs, et ce depuis sa création. Dorothy Parker, Robert Benchley, James Thurber, S. J. Perelman, Will Cuppy. Un humour sophistiqué, of course. Dandy, référencé, parodique. A l’image de la revue. On revient sur ces écrivains dans le dossier de ce numéro. Qui méritent d’être relus ou découverts. Et plein d’autres choses dans ce spécial poches Humour. Des écrivains totalement oubliés comme Bruce Jay Friedman, alter ego de Philip Roth, génial écrivain comique, kafkaien. Un tour du monde des écrivains comiques, de l’Inde au Congo, en passant par Israël. Et sans oublier les Français (citons Cadiot par exemple, grand écrivain du rire). Contrairement à ce qu’on peut penser, la production de romans comiques, tant française qu’étrangère, est importante. Et de qualité. Il est étrange que la presse littéraire ne s’y attarde jamais. Réparation est faite dans ce numéro de Transfuge. Riez bien, chers lecteurs, et arrêtez de penser à la mort.