baerFeu follet, loufoque, improvisateur de génie, comédien de grand talent qui n’a pas encore trouvé son grand réalisateur, l’homme le plus séduisant de Paris, cultissime (La Grosse Boule, le Centre de visionnage, La Bostella), agaçant, diva, discret, névrotique, homme de troupe, chef de troupe, Edouard Baer est tout cela. A notre époque  où la légéreté a disparu dans les limbes du Pacifique, où l’esprit de sérieux, sur tous les fronts (national), semble avoir vaincu, un Baer n’a jamais été aussi nécessaire.

Pour notre plus grand plaisir, après des années où on l’avait un peu perdu de vu, il revient en majesté : si on a pu le revoir lire Un pedigree de Modiano, on peut aussi l’écouter sur la matinale de radio Nova, et surtout, attendre son film Ouvert la nuit que notre critique Frédéric Mercier a vu en avant-première et qui est paraît-il, une grande réussite.

Nous avons mené l’enquête pour en savoir un peu plus sur cet artiste dont on sait finalement très peu de choses, tant il déteste parler de lui. L’idée étant donc d’interviewer un maximum de personnes le connaissant. Pas d’interview de Baer himself, il a accepté puis refusé. Son attachée de presse semblait tenir à ce que ce portrait paraisse pendant la promo de son film. Nous tenions absolument à le faire ce mois-ci, car nous voulions le mettre en couv, ce qui n’aurait pas été possible en janvier. L’impossibilité de le rencontrer pourrait être la conséquence de notre refus d’accepter l’injonction commerciale. Il est difficile aujourd’hui d’exercer son métier de journalisme librement, Aude Lancelin l’a remarquablement expliqué dans son livre Le Monde libre. Edouard Baer aurait même failli m’appeler pour exprimer sa colère… Sans surprise, car comme écrit plus haut, Baer est mal à l’aise avec l’approche biographique.

On aurait pu aborder Edouard Baer autrement mais l’enquête-portrait nous a semblé la meilleur voie tant il a fait de sa vie une oeuvre d’art. Tant ce bourgeois s’invitant chez les punks est un personnage de roman. Et comme vous le savez, cher lecteur, le roman, à Transfuge, on aime bien.