donovanGrosse choucroute ou bouleversant mélodrame à la sensibilité aiguë et à fleur de peau ? En fabriquant dans Ma vie avec John F. Donovan cette histoire d’amitié épistolaire entre un marmot admiratif et une star de la télé, Xavier Dolan raconte ses propres souvenirs d’enfant, quand lui-même écrivait à des acteurs hollywoodiens. En ancrant sa dramaturgie savante, à plusieurs couches temporelles, dans le récit que fait ce marmot devenu adulte à une journaliste hautaine au premier abord, Dolan répond par l’intermédiaire de son héros à ses adversaires goguenards qui lui reprochent toujours de mettre en lumière ses états d’âme de «petit riche». En mettant en scène également le mal de vivre d’une starlette du petit écran, forcée de dissimuler son homosexualité, Dolan montre tout ce qu’il a à dire et à faire savoir du statut problématique de la notoriété, des sourires de façade, des faux proches, des ennemis, etc. Bref, Ma vie avec John F. Donovan, c’est un nouveau cri du coeur de Xavier Dolan, le nouveau bulletin météorologique et émotionnel d’un artiste qui fait un bilan sur son enfance et la première partie d’une belle carrière déjà longue. Le coeur du film, son projet consiste à trouver des moyens pour faire vivre avec passion au spectateur la pression médiatique, la solitude enfantine et quelque chose du vide existentiel et de la peur de l’échec. Donc ce qui est à questionner ici, c’est l’inspiration pour y parvenir. Or, elle est bien moins au rendez-vous que d’habitude. Exemple : sur un plateau TV où tout le monde lui met la pression, où un collègue l’ennuie à mourir, la starlette est sur le point de craquer. Dolan reprend tous les codes d’une scène à peu près similaire de Magnolia de Paul Thomas Anderson (multiplicité des points de vue qui s’entrechoquent, gros plan sur un élément défaillant de la machine et musique extra-diégétique soutenue). Passe que Dolan manque de fluidité dans la conduite générale, que le montage est trop cut, que les acteurs en font peut être trop, il échoue en achevant la scène par la conclusion la plus banale qui soit : Donovan exaspéré frappe très fort son collègue exaspérant. Le manque d’inspiration est flagrant. Deuxième exemple : la mère vient de lire une rédaction amoureuse de son fils et court le chercher dans les rues de Londres. Que fait Dolan pour intensifier la scène ? Il ajoute le ralenti, la pluie très très battante et … « Stand by Me »Inspiration: zéro. Certains trouveront que le procédé est si énorme qu’il est gage même de sa sincérité, de son absence de cynisme. Sauf que d’un point de vue cinématographique, c’est pas terrible. Chaque scène ici devient au mieux un petit clip rétro. C’est peut-être une voie du cinéma pour le futur : ne plus l’envisager comme un tout avec une unité mais comme un jukebox de saynètes maniérées, au service de l’émotion recherchée. Et dans ce gros jukebox qu’est ce film de recyclage hollywoodien, même les scènes qui lui ressemblent le plus, comme celles de dîners familiaux et de relations troubles avec ses proches, ont un goût de soupe.  

 

Ma vie avec John F. Donovan, de Xavier Dolan, avec Kit Harington, Jacob Tremblay, Susan Sarandon… en salles, Mars Films