Je dois avouer que quand François Begaudeau (qui dirige les pages ciné de Transfuge) est venu me voir pour me proposer Cédric Kahn (qui sort un film ces jours-ci, Une vie meilleure), j’étais dubitatif. J’avais vu il y a longtemps L’Ennui et Roberto Succo, deux films formidables, et après, je dois bien le concéder, je n’avais pas suivi sa filmo. La rédaction était un peu de mon avis, pas farouchement contre, mais pas très chaude non plus. François a su être convaincant : « Il est un des réalisateurs français les plus sous-estimés aujourd’hui. On a fait un master class ensemble, son parcours est compliqué, c’est un enfant de Pialat qui se débrouille avec cet héritage, qui s’en écarte, qui y revient. La critique a du mal à y voir clair, c’est pour ca qu’il n’est pas à la place qu’il devrait avoir : un des meilleurs réalisateurs de cinéma meanstream. » Voilà approximativement ce qu’il nous dit, et son dernier film, Une vie meilleure donc, est là pour confirmer les qualités de Cédric Kahn : un film minimal, taiseux, sur l’endettement d’une famille. Un pialatiste redevenu social, attentif à la crise plus profonde que jamais qui touche notre société. Le Voleur de Bicyclette de de Sica n’est pas son film préféré pour rien.

Du côté de la littérature, énorme engouement pour le dernier livre de Chloé Delaume, Une femme avec personne dedans (Seuil), grand roman de la rentrée pour nous. La dernière punk de la littérature (comment la société a-t-elle pu choisir Despentes contre Delaume, l’hyper marché contre l’hyper écrivain). L’écrivain est dans sa meilleure veine, la veine  Artaud, la veine  psychatrique, la veine  coup de couteau, la veine  autofictive, la veine  de la poésie écorchée. Son livre est une atteinte à la pudeur, et un déchaînement contre la maternité. La punk gothique retrouve la verve de son deuxième roman, Le Cri du sablier, qu’elle avait malheureusement un peu abandonnée pour quelques-uns de ses livres, jeux formalistes un peu hermétiques que nous n’aimons pas trop, ici, à Transfuge. Et puis j’oublie : un humour bien à elle, qui vous fait tordre de rire. C’est rare en littérature. Et en plus de ça, elle allie avec intelligence culture pop (elle a écrit un roman lié aux jeux vidéo) et culture classique. Bref, tout ce qu’on aime !

Enfin, à la demande de nombreux lecteurs, nous avons décidé d’introduire des papiers longs sous forme de question et d’enquête, le tout dans l’esprit de Transfuge bien sûr, en étant le plus précis possible, en étant branché sur le contemporain − la littérature et le cinéma en train de se faire −, sans oublier l’irrévérence sans quoi l’on s’ennuie.

Merci à eux de nous avoir incités dans ce sens-là, vous aviez raison. Et espérons vous contenter avec ces nouvelles pages.

P.S. : Bienvenue à notre nouveau chroniqueur Serge Bozon, cinéaste, acteur, critique, qui prend la place de Yannick Haenel (parti pour écrire son nouveau roman).

Bonne lecture et bonne rentrée transfugienne.