YOUTH de Paolo Sorrentino avec Michael Caine, Harvey Keitel, Paul Dano et Rachel Weisz
Soyons clairs : certaines personnes aimaient plutôt ici La Grande Bellezza et Il Divo. D’autres criaient à l’attentat à la pudeur et à la laideur. Cette année, au moins, Sorrentino, grand artisan de la réconciliation, aura mis l’équipe Transfuge d’accord. Youth est sans aucun doute la pire croute cannoise. Sorrentino vient de terminer de se transformer en Jeff Koons du cinéma néo beauf, tant il fait preuve à chaque plan, chaque réplique, d’un mauvais goût ostentatoire de nouveau riche auto satisfait. Pour conter le séjour de vieux artistes octogénaires (Harvey Keitel ; Michael Caine) dans un hôtel des Alpes, le cinéaste filme leurs promenades au milieu des pâturages, leurs conversations au Sauna et leurs différents repas. Belle idée que celle d’un film de pause, d’amitié, de longues discussions entre de vieux compagnons en vacances. On espérait d’ailleurs que Sorrentino fasse une pause, mette un léger frein à son esthétisme criard post Berlusconi. Malheureusement, l’opposition entre joies pastorales et laideurs du monde moderne tourne court. Même l’herbe est laide ici et les vaches semblent aussi aseptisées qu’une présentatrice de télé réalité sur la RAI. Au cours de leurs grandes discussions philosophiques dignes du pire Claude Lelouch et montées au forceps à la manière de pubs pour centre de relaxation, chacun explique sa petite morale rance sur la jeunesse perdue, la beauté des mannequins, l’amour gâché et la puissance relative de l’art. Vanité tout n’est vanité nous répète Sorrentino dans des dialogues sortis tout droit d’horoscopes de magazines télé. Pire, à chaque réplique, ça philosophe, ca piaille et ça chiale, les yeux rouges, la moue déconfite. De façon systématique, sans variations, chacune des scènes avec un intrus, une tierce personne venue s’immiscer dans le duo de vieux copains, sont construites de la même façon, avec les mêmes twists moralisateurs. Voire celle où un acteur hollywoodien prend de haut Miss Univers, laquelle se révèle (oh génie !) plus intelligente qu’elle n’y paraît. Scène qui d’ailleurs ne sert finalement à rien puisque quelques secondes plus tard, les deux vieux briscards ne regarderont que la beauté de son postérieure que Sorrentino filme sous tous les angles dans une piscine. Au détours de cette promenade sous Viagra dans un petit train touristique dans une Suisse transformée en Disneyland, on aura assisté à un concert de vaches, de vieux coucous et à des apparitions de dizaines de comédiennes sorties tout droit du Musée Grévin, dont celle de Jane Fonda plus moumoutée que jamais. L’Oscar n’aura pas fait de bien à Sorrentino qui se prend de plus en plus de Fellini (voire de Visconti, ce film sur la mort se transformant évidemment… à Venise). Son film d’une laideur crasse accuse un regard dédaigneux de plus en plus misanthrope sur le monde. Sous son regard, le monde entier devient laideur : l’herbe paraît verte fluorescente, la montagne sortie d’une carte postale, une belle femme aussi touchante qu’une actrice du pire gonzo porno et quelques lignes mélodiques de violon aussi lourdes que du Hans Zimmer. En fin de compte, Youth ressemble à une mise en images d’un magazine porno people sur papier glacé que l’on aurait pris soin de déposer sur les tables de réception d’un soirée bunga bunga.