Le Fils de Saul de Lazlo Nemes
de László Nemes avecSándor Zsótér, Urs Rechn, Attila Fritz, Levente Molnár
Place aux jeunes. Aux gamins, même. Sa Majesté Thierry Frémaux nous avait prévenus que cette année il voulait un peu renouveler les panthéo-canonisés habitués pré retraités de son palais de la Croisette. Et même si pépé Morreti et Gus van Sant sont encore et toujours de la partie – un peu comme ces groupes de rock qui ne veulent pas arrêter – un nouveau cinéaste aura fait son apparition dans la Compétition Officielle. Nouveau oui, car Le Fils de Saul marque, comme on a parfois coutume de le dire un peu trop vite et trop paresseusement certes, la naissance d’un réalisateur hongrois. D’ailleurs depuis sa présentation en projection presse, tout le monde n’a déjà plus que son nom à la bouche : Lazlo Nemes. En se penchant sur le dossier presse, on apprend que le marmot a jadis officié comme assistant de Béla Tar, excusez du peu. Le sujet avait de quoi inquiéter pourtant puisqu’il s’agit ni plus ni moins qu’une plongée dans l’enfer des chambres à gaz à travers les yeux d’un membre des groupes Sonderkommandos que les SS forçaient à participer au processus de la solution finale. De la première à la dernière minute, Nemes ne nous épargne rien : chambres à gaz, dépouillement des vêtements, fours crématoires et déversages des restes dans l’eau. Nemes montre que la solution finale consistait d’abord à faire disparaître littéralement les corps. Il ne s’agissait pas seulement d’anéantir un peuple mais d’en effacer toutes traces comme s’il n’avait jamais existé. Saul va donc s’ingénier à trouver un rabbin pour offrir au corps d’un enfant – qu’il dit être celui de son fils – une sépulture. La lutte de Saul se pare donc d’une double valeur symbolique : sauver un Elu qui avait seul résisté dans un premier temps au déversement de Zyklon B et surtout mener son propre combat contre l’oubli. Combat que le cinéaste organise avec une vitalité constante et surtout – gageure absolu – sans jamais être ni complaisant ni exhibitionniste. Au contraire même, tout juste voit-on des cadavres floutés derrière le visage de Saul auquel la caméra est accolée deux heures durant. Si le dispositif pourrait apparaître volontariste et spectaculaire, il n’est pas systématique. Si Nemes suit caméra au poing Saul déambuler, exécuter les ordres, se faire réprimander et chercher en chuchotant un homme pieux parmi les siens, parfois la caméra s’éloigne aussi de lui, redevient omnisciente dans certaines scènes pour montrer l’itinéraire moral de Saul vers le Salut. Néanmoins, arrimés à lui, le chaos vrombit derrière Saul dans ce film jusqu’au-boutiste, à la forme singulière et qui aura provoqué un réel premier choc de Festival.