Après deux jours particulièrement pénibles, notre patience a été récompensée. Nous avons vu un grand film : Days de Tsai Ming-liang, sans aucun doute le joyau de cette Berlinale. Au début du générique, un carton nous indique que le cinéaste n’a pas souhaité sous-titrer son film. Et pour cause, Days est avare de mots et raconte une histoire toute simple. Le réalisateur des Chiens errants orchestre la rencontre entre deux hommes – un garçon de la campagne et un homme de la ville – pendant une séance de massage. Il faut pour apprécier le film en accepter le rythme lent. Mais si nous nous y coulons, il se révèle d’une immense générosité. Il vous envahit, vous fait éprouver des sensations de chaleur moite, d’engourdissement, de bien-être. Il vous permet surtout de ressentir la solitude de ces deux hommes. Avec Days Tsai Ming-liang réalise une sublime oeuvre contemplative.
La durée est aussi au coeur du dispositif de DAU. Natasha de Ilya Khrzhanovskiy et Jekaterina Oertel. Il s’agit du douzième des quinze films sur la vie du physicien soviétique Lev Landau. DAU. Natasha est par ailleurs le premier long métrage de ce projet monstre à être présenté dans le cadre d’un festival international. Alors que dans Days ce sont les plans qui sont longs, dans DAU ce sont les scènes de la vie quotidienne dans une petite ville anonyme de l’URSS. Le film se déroule en grande partie dans une cantine où vient se rassasier quotidiennement une équipe de scientifiques. Deux serveuses leur tiennent compagnie au cours de soirées arrosées de vodka et de bière. L’une d’entre elles, après avoir passé la nuit avec un physicien français, est interrogée par les services secrets soviétiques qui l’accusent d’espionnage. Si Days apaise et fortifie, DAU accable et déprime. Les scènes d’interrogatoire sont insoutenables et certains les trouveront complaisantes. Mais force est de constater combien elles sont vivantes et surprenantes. Avec une invention inouïe, les réalisateurs et leurs deux comédiennes parviennent à animer cette reconstitution de l’URSS.
Ces deux films majeurs de la compétition misent avec sagacité sur la durée pour nous immerger dans des expériences sensitives. À ce propos, il convient de noter combien ce sont ces films-là – et non les blockbusters – qui nécessitent le grand écran. Ces deux oeuvres passionnantes jouent avec nos sensations non pour nous abrutir mais pour nous rendre sensible aux mystères du monde.