pasoliniCaïn, pardon, Abel Ferrara fait dans le fratricide. Assassine son jumeau d’élection, envoie son frère d’âme ad patres. Pasolini chronique un double homicide. Celui, donc, de Pasolini (Willem Dafoe, sidérant de mimétisme, au point de donner l’impression de voir un musée de cire s’animer à l’écran), un jour de l’automne 1975. Terminus, à Rome, d’une vie placée sous le signe d’une sainte trinité toute ferrarienne : le sexe, la grâce et la damnation, le cinéma. Les dernières heures de Pier Paolo égrenées par le sauvage génial qu’est Ferrara, on dirait un rêve de cinéphile, quelque chose comme le mariage du siècle. Un cauchemar, oui (mais un cauchemar apathique, dénervé), le meurtre sans doute pas du siècle, mais d’un grand cinéaste, Ferrara lui-même. Qui donne, sur une heure vingt, le pénible sentiment d’être paralysé par Pier Paolo, perclus de révérence. Au point d’avoir des timidités de débutant, d’oser seulement épisodiquement tripatouiller son matériau sonore et visuel. De choisir la fadeur d’une ligne trop claire, de se confire dans une douceur qu’il voudrait élégiaque mais qui donne au film un curieux côté languissant. Ferrara, le dur des durs, a pris un coup de mou.