planeteIncunable SF millésime 1965 dopé à l ‘épouvante, La Planète des vampires devrait faire partie de la galaxie de tout cinéphile qui se respecte un peu. Pourtant, l’unique incursion de Mario Bava, figure tutélaire de la veine transalpine, maniériste et psychopathologique du thriller, le giallo, dans les espaces sidérants de l’anticipation low budget était, jusqu’à cette somptueuse restauration, un secret trop bien gardé. Alors que cette drôle de créature de cinéma, chef-d’oeuvre de poésie fauchée, accouché dans le saint de saints des studios de Cinecitta à grand renfort de système D, a un prestigieux descendant, excusez du peu : le Alien de Ridley Scott. Et la restauration est placée sous l’égide de parrains dont les noms sont autant de sésames dans la cinésphère des amateurs de beauté tordue vintage : Nicolas « Drive » Winding Refn, dont on connaît la collectionnite en stade terminal dès qu’il s’agit d’affiches de séries Z, et l’un des derniers géants vivants de la grande épopée du cinéma al dente, le producteur même du film, Fulvio Lucisano.
 

Une affaire de famille

Budget ténu comme la proportion d’oxygène sur une exoplanète, réemploi de décors piqués sur les plateaux voisins, La Planète des vampires partage l’esprit bricolo-pragmatique et l’art de la gestion du bout de ficelle des productions de Roger Corman avec une touche terriblement italienne en sus : la famiglia. Le père Bava, Eugenio, sculpteur, chef op et inventeur génial, dessine le vaisseau, tandis que le fils, Lamberto (lui aussi au panthéon des aficionados de frissons avec Démons), endosse les fonctions d’assistantréalisateur. Ajoutez à ça un de ces castings cosmopolites qui ont fait les beaux jours du ciné d’exploitation italien : l’Américain Barry Sullivan, qui a notamment émargé aux côtés de Kirk Douglas dans Les Ensorcelés, donne la réplique à Norma Bengell, la Bardot brésilienne. Bref, La Planète des vampires rappelle qu’une des premières joies des (re)découvertes cinéphiles est leur saveur pittoresque, un tantinet anarcho et bricolo. Reste pourtant que le film outrepasse son statut de note de bas de page de l’histoire du cinéma. Car Bava tourne son film de SF comme un sortilège : impossible d’en détacher les yeux. Le réalisateur est allé droit au noyau originel de notre fascination pour la SF, qui a moins à voir avec on ne sait quelles prouesses technologiques prophétiques qu’avec la mise en scène trouble et troublante des limites de l’humain. Le silence des espaces infinis n’est pas seulement effrayant, il est aussi l’occasion de tester nos propres frontières.

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