Le Grand Théâtre de Genève présente en décembre Un American in Paris de Gershwin, dans la production du Théâtre du Châtelet créée en 2014, mise en scène et chorégraphiée par Christopher Wheeldon sur un livret renouvelé de Craig Lucas qui place l’intrigue immédiatement après la libération de Paris. Rencontre avec le chef britannique Wayne Marshall qui prendra la direction musicale.

Quels ont été vos premiers pas dans la musique ?
Mes parents ont quitté la Barbade pour le Royaume-Uni en 1957. L’église, juste en face de chez nous, a été mon premier univers musical : chaque dimanche, chants, orgue et harmonie berçaient mon enfance. J’ai intégré la chorale, puis commencé l’orgue à huit ans, d’abord en autodidacte. Plus tard, à la Chestnut School et au Music Centre d’Enfield, j’ai enfin reçu une formation structurée en orgue et en piano.
Quel est votre rapport à la musique américaine ?
J’ai été très tôt captivé par Gershwin, Bernstein, Ellington. À huit ans, entendre pour la première fois le Concerto pour piano de Gershwin a été un choc : une musique nouvelle, vibrante, qui m’a poussé à jouer sa partition, que j’ai convaincu mes parents de m’acheter ! J’ai ensuite découvert son génie dans son œuvre pour piano. Ce fut la même révélation avec Bernstein : cette énergie, ce rythme, cette liberté. La musique américaine demande de saisir son âme, de ressentir le jazz jusque dans les doigts, c’est ce qui compte le plus et je crois la comprendre ainsi.
Avez-vous des souvenirs particuliers autour d’Un Américain à Paris ?
Je dirige la comédie musicale à Genève pour la première fois. Bien sûr, j’ai souvent dirigé le poème symphonique éponyme qui est un chef-d’œuvre. Gershwin s’est imprégné de l’énergie parisienne : on l’entend dès l’ouverture, dans cette fébrilité et ces klaxons iconiques. Mais ses racines américaines demeurent, notamment ce jazz « cool » qui traverse la partition. Le film avec Gene Kelly m’a marqué, mais la comédie musicale, qui en est différente avec ses ballets fondés sur le concerto, la Rhapsody in Blue et le poème symphonique, possède une construction fascinante.
Quels sont les points forts de cette production ?
Ce qui me frappe, c’est la place du chef. Je dois ici m’adapter aux danseurs car ce sont leurs mouvements qui dictent le tempo. J’ai dû apprendre à « désapprendre », à abandonner mes habitudes d’interprétation pour façonner la musique autour de leur gestuelle. C’est une autre manière de diriger, un véritable travail d’équipe. Un défi passionnant.

Votre formation d’organiste vous aide-t-elle dans la direction d’opéra ?
L’orgue est pour moi un orchestre entier sous les doigts. Chaque instrument est différent, et cette nécessité d’adaptation constante se retrouve aussi dans l’opéra : coordination scène-fosse, travail avec les chanteurs, recherche des équilibres. Tout repose sur la préparation et les répétitions. C’est exigeant, mais profondément gratifiant.
En février prochain, vous serez dans le jury du concours « La Maestra » à la Philharmonie de Paris, destinées aux jeunes cheffes d’orchestre. Que pensez-vous de la place des femmes dans la direction d’orchestre ?
Elle est essentielle. Il ne devrait exister aucune différence : les cheffes jouent un rôle central, et il est enthousiasmant de voir leurs carrières s’affirmer. J’espère que « La Maestra » révélera encore plus de talents et de nouvelles voix musicales.
Qu’est-ce que la musique signifie pour vous ?
Je ne peux imaginer ma vie sans elle. Je suis né pour la scène, je le savais déjà à trois ans, en touchant mon premier piano !
Un Américain à Paris, direction musicale Wayne Marshall, mise en scène Christopher Wheeldon, au Grand Théâtre de Genève, du 13 au 31 décembre.
Plus d’infos : https://www.gtg.ch/saison-25-26/un-americain-a-paris/
4e édition du Concours La Maestra à la Philharmonie de Paris, du 23 au 28 février 2026.
Plus d’infos : https://lamaestra-paris.com/





