Pour sa rentrée à la Seine Musicale, Laurence Equilbey et son ensemble Insula orchestra, accompagné du tout jeune Insula camerata, nous ont offert Beethoven, la Vème Symphonie, dans un moment rare. A retrouver ce soir, et le 30 septembre à Aix-en-Provence.

Assister à l’une des symphonies de Beethoven en concert est toujours un évènement. Quelque-soit notre familiarité avec cette musique, lorsqu’elle se présente, toujours, elle s’impose. Il n’y a pas de lassitude possible des symphonies de Beethoven. Pourquoi ? Sans doute parce qu’en un geste il emporte deux époques, la classique et la romantique. Ou parce qu’une seule de ses symphonies porte en elle tant de variétés, de jeux, de silences, de ruptures et de fougue. Ou simplement pour les mêmes raisons qu’on ne se lasse pas d’une toile de Vinci, d’une page de Proust, parce que la surprise revient, à chaque fois, face à la liberté folle que l’artiste s’est octroyée.

La Vème peut-être plus que toute autre, grâce à ses quatre notes d’ouvertures qui ont révolutionné la musique, offre un moment de grâce au public, et à l’orchestre. Le plaisir était donc palpable lorsqu’en deuxième partie de soirée, Laurence Equilbey lança à l’assaut de Beethoven son ensemble Insula orchestra, ce soir-là particulièrement vaste, parce qu’enrichi de la nouvelle académie, Insula camerata qui recevait là son baptême public. Ce sont trente-deux jeunes musiciens qui étaient accueillis lors de ce premier concert, et que Laurence Equilbey présenta au public à la fin. Ainsi, par ce double orchestre d’instruments anciens, la Vème trouva une sensualité, des respirations, une vitalité hors normes. A l’image de Laurence Equilbey, figure bondissante tout au long de l’interprétation de l’orchestre. Le public qui retenait son souffle, finit enthousiaste. A la fin, Laurence Equilbey annonça un vaste projet de concerts et d’enregistrements à venir, dans l’optique de « Beethoven 2027 », puisqu’on célébrera, cette année-là, son bicentenaire. L’occasion pour Insula orchestra de se lancer dans une série de concerts et d’enregistrements. Une ambition qui n’est pas neuve, puisque déjà depuis quelques années, l’ensemble d’instruments anciens franchit allègrement le pont vers le XIXème siècle, et le romantisme : en janvier prochain, n’est-ce pas Le Requiem allemand de Brahms qu’ils présenteront dans ce même auditorium en décembre ?  Mais nous y reviendrons.

La joie de Bruch

Enfin, pour ouvrir cette saison, Insula avait aussi choisi de mettre en avant un autre compositeur, Max Bruch. Si ce musicien allemand de la fin du XIXème n’a pas connu la postérité de son illustre prédécesseur, l’orchestre a pu nous faire découvrir, ou redécouvrir, des morceaux rares, et enchanteurs. Car de Bruch, l’histoire a essentiellement retenu le premier Concerto pour Violon, pièce ample et passionnée, d’un romantisme tardif, qui penche vers Strauss. Or, Insula orchestra jouait hier deux morceaux d’un tout autre ton : lumineux, vespérale, candide même à certains instants, le Concerto pour clarinette et alto a offert au public une superbe première partie. Notamment grâce à ce duo de l’altiste Miguel da Silva et du clarinettiste Pierre Génisson. Ce dernier révéla un jeu habité et théâtral, qui le fit digne d’une figure de Pan, se promenant allègrement dans cette musique haute en couleurs. Difficile de croire que Max Bruch écrivit ce concerto à soixante-treize ans, au terme d’une vie riche en créations, mais aussi en amertume, puisqu’il connut un succès éclatant à vingt-deux ans pour son premier Concerto, et ne connut plus ensuite la même reconnaissance. Et l’on se réjouit alors de voir qu’il sut retrouver, dans son style tardif, une joyeuse renaissance.

Ouverture de saison, Beethoven/ Bruch, direction Laurence Equilbey, Insula orchestra, Insula camerata. La Seine Musicale, 25 septembre, Aix en Provence, 30 septembre. Plus d’infos sur https://www.insulaorchestra.fr/