Danser toutes les passions : Amala Dianor rencontre Les Arts Florissants autour des madrigaux de Carlo Gesualdo.

Du sud au nord, court Amala Dianor. D’est en ouest, ses pièces progressent. Pour le majestueux Dub il a exploré les styles urbains de la génération Z, dans les métropoles du monde entier. Dans le duo M & M il fusionne danse contemporaine et ondulations syncopées du dancehall. Depuis longtemps, cet ancien danseur phare du hip hop s’est fait un nom comme interprète en danse contemporaine, notamment comme figure phare chez Emanuel Gat. Aujourd’hui les créations signées Dianor sillonnent le territoire et Amala semble parfois s’épuiser à suivre son propre rythme. Sans jamais perdre son sourire. Et soudain, il se pose, pour quelques jours au moins, sur les bords du Bassin d’Arcachon, en tant qu’invité d’honneur de Cadences, festival de danse moins connu que ceux de Lyon ou de Montpellier, mais au caractère unique. Il y investira le Théâtre de la Mer, installé sur la plage avec vue sur le Bassin et remplira en un tour de main la grande salle du Théâtre Olympia. Et au passage il animera la Barre sur la plage, cette invitation aux amateurs d’exercer leur talent pour bouger en unisson sous l’égide du maître de ballet urbain.

Mais on n’attendait pas Amala Dianor autour du baroque ! C’est à l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux – le festival Cadences se déploie de plus en plus au-delà de son Bassin ombilical – qu’il rencontrera les Arts Florissants et leur directeur artistique William Christie, vedette mondiale de la musique européenne des XVIIe et XVIIIe siècles. Avec plus de 130 concerts par an, l’orchestre co-dirigé par Christie et Paul Agnew, fondé par Christie en 1979, est l’un des moteurs principaux de l’engouement français, unique dans le monde, pour la musique baroque. Dianor va-t-il donc se mettre à produire de la « belle danse » et faire tourner les poignets de ses interprètes ? Aucune nécessité. Les Arts Flo, comme on les appelle, sont eux aussi des explorateurs et s’écartent pour l’occasion de leurs chemins balisés, entendez : Handel, Monteverdi, Rameau, Bach ou Purcell. En rencontrant la danse urbaine et contemporaine de la compagnie Amala Dianor, ils abordent l’œuvre du sulfureux compositeur napolitain Carlo Gesualdo (1566-1613).

Gesualdo Passione : Le titre est à double tranchant, si on ose dire… Car hors de ses motets composés relatant la Passion du Christ, le personnage est aussi connu pour sa musique profane et ses propres drames passionnels, jusqu’à assassiner l’amant de son épouse, et cette dernière avec lui, selon la morale chrétienne de l’époque. Dans sa musique, Dianor voit un « avancement vers les ténèbres comme un chemin du corps » et « des contrastes passionnants : l’espoir et la fatalité, l’abnégation et le lâcher prise, l’esprit et la sensation ». Pour cette création réunissant quatre danseurs et six chanteurs, il dit s’intéresser « au mouvement des muscles des cordes vocales, de la contraction à l’étirement, de la tension à la décontraction ». Où es six chanteurs feront résonner les Répons des Ténèbres de Gesualdo : « Moi qui chaque jour commets des péchés et ne m’en repens pas… »

Amala Dianor au festival Cadences / M & M , Théâtre de la Mer, 21 septembre / Gesualdo Passione avec Les Arts Florissants, Opéra de Bordeaux (Amphithéâtre), le 22 septembre / Dub, Théâtre Olympia, le 23 septembre