À la rentrée, le centre du monde, en tout cas du monde littéraire, est en Suisse, à Morges, où le Livre sur les quais offre une riche et captivante programmation. On a posé quelques questions à Adélaïde Fabre, la directrice artistique du festival.

Quels sont les principes qui ont guidé la sélection des auteurs ?

Une des volontés du Livre sur les quais, c’est de proposer un festival accessible à tous, en invitant des auteurs très connus, tout en faisant découvrir des auteurs plus jeunes ou moins connus du grand public. Nous travaillons ainsi beaucoup sur la notion d’équilibre. Morges est le plus grand festival littéraire de Suisse, et nous portons une grande attention à la place accordée à la littérature suisse – qui est particulièrement foisonnante – en y mêlant des auteurs français, avec une proportion de 80 % d’auteurs de la rentrée.

Crédit : Jean-Yves Leresche

Le président d’honneur sera Sorj Chalandon, l’éditeur invité, Albin Michel. Qu’est-ce qui a motivé ce double choix ?

Il y a chez Sorj Chalandon une force de l’engagement humain et politique, que l’on retrouve dans Le Livre de Kells, qui sort à la rentrée. Quant à Albin Michel, un compagnonnage lie la maison au festival depuis les débuts de ce dernier. Et, en outre, cette année nous avons décidé de ne pas mettre un pays à l’honneur, mais la littérature internationale en avant, ce qui correspond bien aux choix éditoriaux d’Albin Michel.

« International », voilà un adjectif qui s’applique tout naturellement au Livre sur les quais…

On accentue encore un peu plus cette dimension internationale cette année : la période que nous traversons est telle qu’il est préférable d’être ouvert sur le monde que replié sur soi ! Et nous sommes en Suisse, on parle trois langues, d’où une grande sensibilité à l’égard des langues, de la traduction. C’est une ligne directrice assez forte, qui rejoint notre thématique, les cinq sens : comment peut-on restituer le rapport sensuel au monde en étant traducteur ou auteur ?

Un autre motif se dessine lorsqu’on parcourt la liste des auteurs invités, celui de la filiation…

Il me semble qu’il y a deux axes dans ce que nous avons mis en place ou dans les romans de la rentrée. Cette thématique familiale, en effet, avec Anthony Passeron ou le magnifique livre de Justine Lévy, mais aussi celle de l’amour. De très beaux romans mettent en scène la relation amoureuse, l’amitié amoureuse, ce qui leur permet d’explorer les époques, de balayer, au fil des années qui passent, les changements survenus. Et de se demander comment l’intime se lie avec les évolutions de la société.

L’intime, le politique : une autre façon de l’aborder, dans votre programmation, c’est en s’intéressant à la place des femmes, à la force du féminin par exemple…

Oui, peut-être parce que nous avons traité cette question de la place des femmes d’une autre manière les années précédentes. Cette force qui peut être aussi parfois faiblesse, ces libertés qui peuvent être vite brisées lorsque les femmes sont taxées de folie : je pense au roman de Roland Buti, un auteur suisse que j’aime beaucoup, qui raconte l’enfermement d’une jeune femme parce que trop libre, parce que différente. On est toujours sur une ligne de crête avec la question de la folie, qui se retrouve dans beaucoup de livres à cette rentrée, je pense entre autres à celui de Victor Jestin.

Le Livre sur les quais, Morges, du 5 au 7 septembre