L’exposition de la Cité de l’Architecture contextualise la construction et la chute du mur de Berlin, revient sur la place de la culture dans la géopolitique et éclaire notre actualité.
« Nous souhaitons instruire les gens en traitant de deux valeurs européennes, la liberté et la démocratie. Et leur montrer qu’ils ont le pouvoir de se battre pour les défendre », explique Axel Klausmeier, président de la Fondation du Mur de Berlin à l’origine de cette exposition. Le ton est donné, l’exposition itinérante présentée à la Cité de l’architecture se veut politique. Afin de toucher un large public, elle se focalise sur le quotidien des habitants; les petites histoires plutôt que la grande. Elles débutent le premier jour de la libération. Une photographie montre deux soldats souriant se tombant dans les bras. Ils sont américain et soviétique. L’Allemagne est tombée, Berlin a été bombardée. Mais l’étreinte sera de courte durée. À Berlin, située au milieu de la future République démocratique allemande ( RDA) , la ville est divisée entre quatre pays alliés contre les nazis ( États-Unis, Royaume-Uni, France et URSS). Deux cultures que tout oppose. D’un côté le modernisme capitaliste, de l’autre le communisme. Et chacune tente d’imposer son point de vue. Cela se traduit dans l’architecture, comme le montre la maquette de Berlin. À l’Est, la ville est reconstruite selon les principes du classicisme socialiste. Les bâtiments dominent de larges avenues rectilignes. À l’Ouest, l’urbanisme est plus chaotique, les constructions modernistes. Dans les rues les affiches divergent. Les unes annoncent la grande exposition d’architecture moderne Interbau Berlin 1957, qui rassemble notamment Walter Gropius, Oscar Niemeyer, Le Corbusier et Alvar Alto. À l’Est, elles vantent le travail des femmes et la paix.
Mais les idées circulent. La frontière séparant les deux zones est ouverte. La jeunesse se déplace dans les clubs de Jazz de part et d’autre. La CIA et la Stasi tentent de les instrumentaliser. Des vagues de migrations de l’Est vers l’Ouest sont constatées, une recrudescence au début des années 60 inquiète le pouvoir soviétique. Moscou décide de construire un mur en 1961 pour éliminer l’influence américaine tout autant qu’éviter à la RDA de se dépeupler. Un sixième de sa population est déjà parti. « Contrairement à tous les murs construits pour empêcher l’autre d’entrer, celui-ci est construit contre sa propre population », souligne Axel Klausmeier. L’exposition témoigne de cette séparation imposée, à travers objets, photographies et des témoignages vidéo. Elle raconte aussi les propagandes, les privations, mais aussi la désobéissance à travers des récits, des photographies et des effets personnels. Elle s’ouvre ensuite sur le monde et l’incident de la Baie des cochons à Cuba. Si la guerre froide bat son plein, la période est aussi marquée par une révolution mondiale. Le monde se transforme avec l’accélération de la décolonisation, avec l’émergence de la contre-culture pacifique de la fin des années 1960. Elle réagit à la peur d’une guerre nucléaire, comme en témoigne la banderole réalisée par Thalia Campbelle « Les filles disent non aux bombes ». C’est aussi le temps de la révolution technologique et le développement de l’économie capitaliste. La série Dallas participe à sa diffusion à travers le monde. Ces transformations, associées à la crainte face à la course aux armements poussent la population à se soulever. En 1989, les protestations pacifistes à travers l’Europe alimentent les tensions à Berlin. Les habitants marchent sur le mur. Toutes les caméras sont tournées vers sa chute, symbole de la fin d’une époque divisée. L’Europe est libérée. Le monde est maintenant globalisé. Avec cette exposition, la Cité de l’Architecture nous tend un miroir.
Le mur de Berlin, un monde divisé, Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, https://www.citedelarchitecture.fr/fr, jusqu’au 28 septembre.