Alain Blottière signe le roman le plus stimulant de la rentrée, Le ciel a disparu. Roman au grand style, et roman d’anticipation qui annonce à cause des satellites d’Elon Musk, l’obscurcissement de notre planète. Rencontre chez lui, à Paris.
Alain Blottière est l’écrivain le plus discret qu’il m’ait été donné de rencontrer. Que vous évoquiez son nom auprès de lettrés, certains l’ont lu, d’autres en ont entendu parler, et savent a priori qu’il est un écrivain de bonne tenue. Discret aussi, dans la discussion que nous avions eue chez lui, dans son studio des hauts de Montmartre à l’incroyable vue sur Paris, et aux murs couleur sable, comme un clin d’œil à sa maison de terre bâtie en 1987 dans son oasis égyptienne, où il vit six mois de l’année. Discret dans son timbre de voix, assez faible, d’une quiétude maîtrisée. Discret mais prolixe dans la discussion à propos de son dernier roman, Le ciel a disparu, chez Gallimard, peut-être son plus beau, alliant un style d’une beauté rare, d’un lyrisme tenu dans ses descriptions de paysage (ciel, étoiles, désert) et un sujet très fort qui en fait peut-être un visionnaire : Musk par son programme Starlink, par ses milliers de satellites envoyés en orbite, serait en train de détruire le ciel, jusqu’à l’assombrir complètement dans une dizaine d’années, avec les conséquences écologiques, humaines, métaphysiques, spirituelles que nous pouvons imaginer.
Un homme, un romancier français qui vit dans une oasis d’Égypte, qui aime depuis longtemps observer les étoiles le soir, sur le toit de sa maison, se rend compte qu’elles s’effacent lentement, mais assurément. Il décide alors d’assassiner Elon Musk. Le ciel a disparu est l’histoire de cette tentative d’assassinat. Pendant que le photographe Edouard Monfrais Albertini le prend en photo sous tous les angles, j’en profite pour jeter un œil autour de moi : sur sa table de chevet, Le monde diplomatique (nobody is perfect), et un roman de Cecile Wajsbrot, Plein ciel, dont la couverture est une photo de débris spatiaux flottant autour de la terre ; sa bibliothèque : Rimbaud, bien sûr, son maître, mais aussi Tony Duvert, Jean Genet, Gilles Sebhan… des stylistes, des subversifs.
Cette crainte d’obscurcissement du ciel qui est au cœur de votre roman, est-elle une crainte de poète, une intuition, ou alors vous êtes-vous appuyé sur une ou des thèses scientifiques sur ce risque ?
Ce n’est pas absolument pas une intuition de poète, un certain nombre de scientifiques l’affirment clairement, des astrophysiciens, des astronomes… Mais il est vrai que la presse n’en parle pas. L’obscurcissement viendra de nuages de débris, car il y aura de plus en plus de collisions. C’est ce qu’on appelle l’effet Kessler, c’est-à-dire une augmentation exponentielle des débris, et ces débris entraîneront de plus en plus de collusions. Il y a déjà trop de débris aujourd’hui, on ne sait pas très bien s’en débarrasser, il faudrait envoyer des satellites éboueurs… Donc si on ne régule pas l’espace, on aurait en 2035 plus de 100 000 satellites en orbite basse, c’est-à-dire qu’on peut les voir à l’œil nu, la nuit surtout car ils sont très lumineux. Et si on ne régule toujours pas, à la fin des années 2030, on comptera plus de 500 000 satellites ! En grande partie du Starlink d’Elon Musk ! Dans ce cas-là, on ne pourrait plus voir les étoiles, où que l’on soit. Les seules constellations que nous pourrions voir, seront celles créées par l’homme.
Il y a ces problèmes de débris, mais pas seulement écrivez-vous…
Oui hélas, les problèmes sont multiples. Il y a aussi la pollution que créent ces satellites quand on les désorbite car ces satellites ne vivent que 4 ou 5 ans en moyenne. Donc on les fait revenir dans l’atmosphère, et en se consumant, ils dégagent un oxyde d’aluminium qui détruit la couche d’ozone. Je n’invente rien, là, hélas.
La suite de l’entretien est à découvrir dans le dernier numéro de Transfuge
Alain Blottière, Le ciel a disparu, Gallimard, 160p., 18 €











