En invitant une cinquantaine de galeries d’art, la Moderne Art Fair donne rendez-vous aux amoureux de la scène artistique de l’École de Paris tout en s’ouvrant à des découvertes en art contemporain.

Edith Baudrand – Fleur de nuit, encre de Chine et technique mixte sur papier, 2025. Sur le stand de Lumir Ardant-Leverd. Crédit : Edith Baudrand.

Au milieu de l’offre pléthorique des foires qui rythment désormais le calendrier effréné des galeries d’art, il n’est pas évident de faire son choix. La Moderne Art Fair porte bien son nom et affiche d’emblée sa particularité. On imagine naturellement y voir les maîtres de l’art moderne et les signatures de l’après-guerre. Promesse tenue. À la galerie Berès, une huile de Simon Hantaï de 1969, une gouache sur carton aux lignes féminines d’Henri Laurens vers 1930 et un adorable chat en bronze de Diego Giacometti vers 1967, sur le stand de la galerie Messine, les couleurs de Riopelle et Vieira da Silva, à la galerie Bert, les abstractions d’Olivier Debré, Hans Hartung, Serge Poliakoff et Georges Mathieu, chez Kalisto Fine Art, une nocturne dorée de Roger Bissière de 1957, sur le stand de Berthéas, un visage de femme au crayon d’André Derain, une huile expressive de Michel Mousseau et une œuvre de Claude Venard. Ces deux derniers artistes à la trajectoire beaucoup plus confidentielle, ont toutefois participé à ce foisonnement intense qui fit de Paris un foyer artistique unique au mitan du 20e siècle. Dès ses débuts en 2007, alors qu’elle s’appelait encore Art Elysées, la Moderne Art Fair s’est positionnée comme un des lieux privilégiés pour redécouvrir cette période, émaillée de noms mythiques mais aussi de signatures oubliées. « Nous sommes présents sur cette foire depuis le début de sa création. C’est un événement devenu incontournable sur le segment de la peinture moderne. Un retour à la très belle peinture des années 1950 me paraît évident ainsi que des artistes à redécouvrir. La période actuelle fait que l’on revient à des choses plus essentielles et réconfortantes, voire rassurantes », explique le galeriste Yann Berthéas, analysant, sous le prisme d’un marché actuel difficile, un recentrage sur des valeurs sûres. Ainsi, des artistes longtemps oubliés, parce que balayés par des effets de modes, peuvent revenir sur le devant de la scène, appréciés pour leur ancrage dans une mémoire historique. « Parfois la nécessité fait loi. Le fait qu’une partie du marché soit devenue inaccessible en termes de prix, de notoriété et de raréfaction des œuvres, pousse matériellement vers des artistes et des mouvements qui ont été négligés. Ainsi, on revoit des démarches plastiques qui n’étaient pas apparues depuis des années sur le marché », abonde Blaise Parinaud, directeur de la galerie Messine et président de la foire. C’est aussi l’avis d’Olivier Habib qui, sur le stand de la galerie Comparative, en collaboration avec la galerie Artisyou, présente une sélection centrée sur la non-figuration de l’École de Paris qui entend « rendre justice à des artistes qui, tout en ayant joué un rôle décisif dans l’histoire de l’art moderne, demeurent encore trop souvent relégués aux marges du récit dominant. » En témoignent une belle toile de Camille Bryen, « le prince de Saint-Germain des Prés » au tachisme rageur et puissant, de beaux Magnelli, une composition dadaïste de Serge Charchoune ou encore deux toiles étonnantes d’Huguette Arthur Bertrand, au geste précis et élégant, et Marcelle Ferron, au couleurs intenses. « Il s’opère un rééquilibrage des valeurs et des normes esthétiques actuellement » poursuit le marchand, convaincu que les regards vont à nouveau se tourner vers cette histoire picturale qu’il défend. A quelques encablures, d’Art Basel Paris qui se tient sous la verrière du Grand Palais, la Moderne Art Fair s’affirme donc comme un outsider engagé sur les notions d’histoire et de chemins de traverse artistiques. « C’est une foire de fidèles et de collectionneurs avertis, dont la promesse est de fédérer, d’être accessible, d’offrir à la fois des valeurs sûres en second marché mais aussi des découvertes. Aujourd’hui, la sélection en art contemporain est d’ailleurs plus étoffée » souligne Adeline Keit, codirectrice de la foire avec sa sœur Isabelle. Ainsi, on pourra s’attarder sur les compositions poétiques du collagiste Guy Mansuy chez Capazza, les huiles aquatiques de Jacques Dromart chez Estelle Lebas, les paysages énigmatiques et lumineux de Yannick Fournié chez Ange Monnayeur et les belles encres vaporeuses d’Edith Baudrand sur le stand confié à Lumir-Ardant Leverd. Par ailleurs, un focus particulier est donné cette année à la photographie à travers une exposition proposée par la galerie Baudouin-Lebon et le centre d’art de La Chapelle de Clairefontaine (Yvelines). « Offrant un parcours visuel qui balaie deux siècles d’histoire, avec des artistes contemporains comme Valérie Belin, Tomas Van Houtryve, Joel Peter Witkin, l’exposition présente des œuvres historiques et contemporaines, dont des jalons comme une pièce emblématique de Nadar, L’entretien avec Chevreul à l’occasion de ses 100 ans (1883) et une photographie de jeunesse d’Andreas Gursky » indique la galerie. Chaque année, depuis presque vingt ans, la foire réunit une communauté de fidèles, loin des envolées spéculatives.« Issue d’une famille de collectionneurs, je trouve que l’évènement Moderne Art Fair, ancrée dans l’art moderne et ouverte aujourd’hui à une dynamique contemporaine, permet aux collectionneurs comme aux visiteurs, de maintenir ce lien entre héritage et émergence artistique. Je souhaite m’éloigner des facilités d’un art trop commercial, pour redonner à la peinture une noblesse et une urgence de sens », confie la galeriste Ange Monnayeur.

Moderne Art Fair, du 23 au 26 octobre, Place de la Concorde, moderneartfair.com

Visuel : Yannick Fournié, Voyage Immobile 24, 2024. Acrylique sur toile. 120×150 cm. Crédit : Courtesy Galerie Ange Monnoyeur.