Acteur enthousiaste du New York intello-branché pendant une soixantaine d’années, le poète et plasticien John Giorno reste un personnage culte admiré par les jeunes générations d’artistes. Une exposition de groupe chez Almine Rech rend hommage à ce merveilleux agitateur d’idées et de talents disparu il y a cinq ans. Retour sur une liberté enfuie.

Sa vie, ou ce que nous en conservons en partie, aurait pu s’appeler Le Grand Sommeil. Pas de Lauren Bacall et d’Humphrey Bogart en vue dans son cas mais un célèbre acteur de l’art contemporain du nom d’Andy Warhol. C’est en effet avec Sleep, un film d’une durée de cinq heures et vingt-et-une minutes, que John Giorno (1936-2019) s’est fait connaître. Son rôle à la fois statique et passif consistait à dormir devant la caméra solitaire du pape du Pop Art qui avait eu l’idée de le filmer ainsi en le contemplant roupiller à ses côtés : Giorno était alors l’amant d’Andy le dandy. Sleep, sans splip – l’apprenti-comédien était nu – devint dès sa première projection au Gramercy Art Theater, en janvier 1964 à New York, l’objet d’un culte fervent. Plutôt que de s’endormir devant un film assommant, autant fermer les yeux devant un film somnambule et pourquoi pas, se réveiller en criant au génie. Pourtant l’existence de John Giorno fut tout le contraire d’une sieste d’hédoniste habité par la procrastination. La galerie parisienne Almine Rech qui lui rend hommage ces jours-ci, dix ans après la merveilleuse rétrospective du Palais de Tokyo, signe en conviant une dizaine d’artistes la pérennité historique de l’œuvre d’un créateur multi cartes, à la fois poète, performeur, plasticien. Et, peut-être plus encore, créateur d’une existence libre qui tient de l’œuvre d’art absolue telle qu’en rêvaient les surréalistes puis les situationnistes. Peu d’argent, peu de contraintes, peu de limites, hormis une répulsion assumée vis-à-vis de la laideur des sentiments et de la crainte du qu’en-dira-t-on, John Giorno continue de symboliser six ans après sa mort une sorte de d’héroïsme arty, étant passé du romantisme beat à l’attraction pour le bouddhisme après de multiples arrêts dans tout ce qui comptait d’important les mondes créatifs occidentaux des années 50 au nouveau millénaire. « John Giorno a toujours aidé les jeunes artistes, il a toujours été très au courant de ce qui se passait dans les cercles underground il était très proche de la jeunesse à la manière d’un Gus van Zandt Gant ou d’un Larry Clarke, c’est pourquoi il nous a paru important de donner la parole à des jeunes qui s’inspirent de la parole de John », explique de Londres Thibault Geffrin, senior director de la galerie Almine Rech.

Group Show, Merci ! John Giorno, Jusqu’au 7 juin, Galerie Almine Rech Paris
La suite de l’entretien est à découvrir dans le dernier numéro de Transfuge