L’Amour vainqueur, spectacle écrit pour la jeunesse, est un ravissement lyrique qui penche du côté des années vingt. Une heure de virtuose rêverie.

Il y a des voyages dans le temps qui offrent le goût de l’échappée belle. L’Amour vainqueur est un spectacle qui permet un tel voyage. En une heure, et avec quatre interprètes, l’opérette d’Olivier Py nous bascule dans un lieu singulièrement revigorant par sa légèreté. Et dispense une leçon de miniature pour le théâtre lyrique. Ils sont quatre. Trois hommes, une femme. Ils assument une petite dizaine de personnages. Ils sont pianistes, chanteurs, danseurs. Changent de registre avec facilité, passant de la comédie à la chanson d’amour, du music-hall à l’opéra-bouffe type Offenbach, sans presque jamais cesser de chanter. À tour de rôle, ils se placent devant le piano qui est au centre du plateau. La Princesse, Clémentine Bourgoin, est aussi violoncelliste. Il y a tout au long de ce spectacle, une joie du théâtre de tréteaux :  les costumes sont volontairement archétypaux, on change de costume parfois sur scène, un technicien vient abaisser et monter le rideau à la main, et l’on glisse du tabouret de piano à la scène. Et ce pour raconter un conte emprunté aux frères Grimm : dans un pays imaginaire, où fleurit un jardin somptueux, un roi veut faire la guerre, son fils, le prince, recherche l’amour. La guerre triomphe, le jardin est saccagé, le prince et sa bien-aimée séparés. Le premier perd son visage, la seconde, sa liberté. Mais ils se retrouveront, au gré d’un certain nombre de péripéties qui sont autant de prétextes à des chansons, des mimes, et des numéros burlesques. Olivier Py s’inspire d’une France du début du siècle dernier qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, cherche à retrouver bon gré mal gré, la joie perdue. Les chansons lorgnent de ce côté-là, ainsi que le jeu et le décor, signé comme toujours Pierre-André Weitz. Les interprètes l’ont bien compris, et l’on peut saluer notamment l’agilité scénique, vocale et théâtrale de Flannan Obé, qui endosse plusieurs rôles. Ils nous chantent l’histoire d’un monde de beauté condamné à la disparition, d’un amour absolu, et d’un général dévoré par l’ambition, figure du mal absolu. L’histoire semble enfantine, elle ne l’est que parce qu’elle joue sur l’outrance du conte de fées. Sur un vaste écran, derrière les chanteurs, des images se succèdent : l’image du jardin semble empruntée à un film de Cocteau, celle des ruines, à une ville dévastée par les guerres contemporaines. La langue est limpide, et se nourrit de tournures d’époque, s’offre même ici et là quelques alexandrins, et peut basculer dans la clarté moderne. Olivier Py s’offre toute liberté et s’amuse à l’écriture de manière évidente. À la fin du spectacle, les enfants sont debout, ravis. Ils n’ont peut-être pas saisi que les ruines étaient réelles, et que ce beau spectacle rend aussi hommage au monde d’hier, mais ils sont entrés dans la joie d’une opérette qui promet la victoire de l’amour.

L’amour vainqueur, texte et musique d’Olivier Py, théâtre du Châtelet, jusqu’au 13 juin