Les œuvres de Julien des Monstiers animent les murs de Chambord de motifs contemporains issus d’un passé lointain. 

Lorsque François Ier ordonne la construction du château de Chambord, le roi de France ne prévoit pas d’y vivre, mais souhaite ériger un édifice destiné à refléter sa puissance. Passionné de chasse, il choisit un emplacement idéal pour cette activité, au milieu d’un parc et de marécages peuplés d’appétissants gibiers. Dans ce joyau de l’architecture Renaissance, « le dehors et le dedans » se répondent incessamment, éclairant la compréhension des œuvres de Julien des Monstiers (né en 1983) qui y sont exposées cette saison.

Fidèle à son intitulé, l’exposition se ponctue ainsi d’œuvres présentées in situ, lesquelles nouent un dialogue étroit avec le monument et son histoire. Des carreaux de céramique envahissent le sol du château comme une invitation à littéralement habiter l’œuvre de manière physique, à s’y déplacer, à la fouler et la piétiner. Comme le précise Julien des Monstiers, la peinture « n’est pas sacrée, elle ne l’a jamais été, elle n’est qu’une surface qui s’échappe du châssis et déborde dans la vie. » Par définition en deux dimensions, ses œuvres picturales recherchent alors la profondeur, les surfaces, les plis et les textures, le peintre jouant avec les couleurs et les supports jusqu’à former un ensemble holistique, reproductible à l’infini. 

L’artiste puise son inspiration dans l’histoire du médium, de la peinture abstraite américaine jusqu’aux motifs ornementaux, scènes de chasse qui hantent tapis et tapisseries, mais aussi détails raffinés qui composent les décors floraux. Comme le souligne Pierre Dubreuil, Directeur général du Domaine national de Chambord, ses œuvres « résonnent de façon très étroite avec les murs du château, ses voûtes à caissons et sa décoration ou son activité cynégétique. » Ordonnées par couches et par strates étroitement superposées, elles s’offrent à l’œil dans leur matérialité et leur construction minutieuse met en jeu différentes temporalités. Toutes s’épanchent dans des enchevêtrements formels et des dissonances hautement saturées, d’où surgissent des nuances moirées, intensément bleutées et orangées. Pour ce faire, l’artiste se libère du pinceau et imagine de nouveaux outils. Par un procédé d’empreintes se révélant par transferts, des Monstiers cultive l’ambiguïté : les images semblent venir du fond du tableau comme si elles réapparaissaient un peu abimées, un peu érodées, alors que ces dernières ne sont peintes qu’à l’issue de l’étape finale, c’est-à-dire en dernier. Dans cette approche virtuose et novatrice de la peinture à l’huile, Julien des Monstiers ne soustrait pas de matière, il ne fait qu’en ajouter, emblématisant l’apparition intermittente de formes semblant comme fantomatiques. Le sujet n’est alors pas tant dans l’image que dans la façon de la révéler, qu’il s’agisse d’une licorne, d’un cerf ou bien d’un sanglier. Animaux sauvages, réels ou fantastiques, sont ainsi contrebalancés par un rythme abstrait dans lequel le motif se perd et la couleur se répand librement. Soit une œuvre à voir absolument, à Chambord ou au Suquet des Artistes de Cannes, où une exposition lui est dédiée cet été. 

Dehors-Dedans – Julien des Monstiers à Chambord du 26 mai au 3 novembre au Domaine national de Chambord