Déplorant une ligne idéologique woke et partisane de l’institution parisienne, la collectionneuse Sandra Hegedüs a annoncé publiquement retirer son soutien financier auprès des « Amis du Palais de Tokyo » et crée un précédent.

C’est un petit tsunami dans le monde de l’art contemporain. Une collectionneuse réputée vient de démissionner publiquement du cercle des « Amis du Palais de Tokyo » dont elle était aussi membre du conseil d’administration. Dans sa lettre, postée ce dimanche 5 mai sur Instagram (qui a déjà reçu plus de 12800 likes et 500 commentaires), Sandra Hegedüs pointe la « dérive honteuse de cette grande institution » qu’elle soutient financièrement à titre privé depuis 15 ans. « Plusieurs centaines de milliers d’euros depuis 2010 pour financer en moyenne 3 expositions par an au Palais à une époque » nous détaille-t-elle, en soulignant sa forte implication à travers la création de son prix d’art contemporain, SAM Art Projects, qu’elle a fondé en 2009 et finance entièrement et qui a donné lieu à plusieurs expositions dans l’enceinte de l’institution parisienne. La raison de sa démission : « les choses ont changé et je ne veux pas être associée à la nouvelle orientation très politique du Palais. La programmation semble désormais dictée par la défense de « Causes », très orientées wokisme, anticapitaliste, pro Palestine etc… » explique sa lettre qui déplore le manque de pluralisme et de « démarches artistiques novatrices et créativement ambitieuses » au profit du souci de « coller à une idéologie ». Des choix « moralement problématiques », selon elle, qui n’ont rien à faire au cœur d’une grande institution culturelle publique sous tutelle du ministère de la Culture. Mais pourquoi maintenant ? La goutte d’eau ? « La dernière exposition sur la Palestine qui proposait, sans mise en perspective, des points de vue biaisés et mensongers sur l’histoire de ce conflit, donnant la parole, sans contradiction, à des propos racistes, violents et antisémites » poursuit la lettre. « Vous vous rendez compte ? Tout cela après le 7 octobre ! » nous confie-t-elle au téléphone en nous parlant de brochures aux propos ouvertement propagandistes insérées dans cette exposition sur lesquelles on peut lire, par exemple, en regard d’une illustration enfantine montrant un char d’assaut : « Who is enemy of the Palestinian ? The enemy of the Palestinian is he who occupied the home of the Palestinian ». Elle-même, étant juive et ayant relayé des posts sur Instagram en solidarité avec Israël suite aux massacres du 7 octobre a été ciblée personnellement par des propos antisémites sur les réseaux sociaux. « Mais cela va bien au-delà de mon cas personnel, et même du conflit Israël-Hamas, je souhaite pointer une dérive générale au sein du milieu culturel, celle du wokisme, de l’islamogauchisme » insiste-t-elle, ne prenant fait et cause pour aucun camp mais souhaitant seulement que la liberté de pensée et d’opinion puisse s’exprimer et que les récits de l’histoire puissent être mis en perspective. Elle n’est en effet pas la seule à déplorer depuis quelque temps le filtre réducteur et idéologique du Palais de Tokyo qui s’incarne sur le compte Instagram d’un de ses commissaires d’exposition, François Piron, dont le visuel du profil n’est autre que « Stop the genocide ». Peut-on accepter cela d’un représentant de l’institution culturelle publique ? Plusieurs personnalités du monde de l’art, jointes par téléphone, me disent être très choquées par cet affichage politique alors que plusieurs artistes et acteurs du monde culturel me confient ne plus « vouloir mettre les pieds au « Palais de Tok », comme on dit dans le milieu. La lettre de Sandra Hegedüs signe un engagement fort, inédit au regard d’une prise de position d’une collectionneuse privée envers l’institution publique. Cela peut faire écho à ce qui se passe aux États-Unis, où plusieurs donateurs juifs fortunés ont décidé de mettre fin à leurs soutiens financiers auprès de l’Université de Columbia suite aux manifestations étudiantes pro-palestiniennes sur le campus ayant pris à partie la communauté juive. Si Sandra Hegedüs a pris position en se disant désormais incapable de « cautionner » une ligne « très fermée et une démarche partisane », qu’en sera-t-il des autres « Amis du Palais » ?