Un weekend autour du Rwanda, orchestré par Dorothée Munyaneza, enfant du pays qui présente Toi, Moi, Tituba… et crée Umuko.

A l’heure du génocide rwandais, Dorothée Munyaneza et sa famille échappent de peu aux machettes des commandos hutus. Leur fuite est rocambolesque. Mais la future artiste est saine et sauve. Elle atterrit d’abord à Londres où elle devient chanteuse et musicienne puis à Paris pour être danseuse et chorégraphe. Chaque pays a sa spécialité. Pendant son enfance, au Rwanda, Dorothée adorait une émission de radio qui passait ses musiques préférées : Samedi détente. Ce sera le titre de sa première création chorégraphique et musicale, un duo avec le musicien Alain Mahé, où elle raconte son histoire, vingt ans après l’horreur des pogromes. En 2017, elle crée Unwanted, au sujet des enfants nés des viols systématiques subies par les femmes Tutsi. Déjà, elle se penche sur des êtres et des histoires non répertoriées, jetés sur la grande décharge de l’histoire, notamment quand celle-ci est racontée par une puissance dominatrice. Coloniale, par exemple. 

Aujourd’hui, Munyaneza ne se contente pas de créer, d’écrire, de chanter. Depuis Marseille, où elle a élu domicile, elle agit en ambassadrice, du passé comme du futur rwandais. « Est-il possible de relier, le temps d’une danse, celles et ceux que l’histoire a oubliés, avec nos vies mais aussi avec celles et ceux qui sont à naître », demande-t-elle. Artiste associée au Théâtre national de la danse, à Chaillot donc (mais aussi à la Maison de la Danse de Lyon et à la Fondation Camargo), elle se rend en son pays natal pour « travailler à partir d’un corps-archive à même de recueillir et honorer les mémoires, une archive vivante, sensible, physique et corporelle ». Entre Chaillot, l’Institut Français de Kigali et Munyaneza qui mène depuis 2009 une recherche musicale et chorégraphique avec de jeunes artistes rwandais à Kagina, un projet artistique voit le jour et devient aujourd’hui visible à Paris

Cette collaboration franco-rwandaise permet donc de proposer un weekend « Chaillot Expérience » entre spectacles, concerts, littérature, expositions etc. sous le titre Rwanda, Ejo, mot qui signifie « hier et demain » en kinyarwanda. « Ejo » puisque le présent est fugace, que « maintenant » n’est rien. Tout est ejo. Sur son chemin de création, Munyaneza a rencontré la philosophe Elsa Dorlin et ses réflexions dans Moi, toi, nous… : Tituba ou l’ontologie de la trace, qui rebondit sur un roman de Maryse Condé, Moi, Tituba sorcière…,dans lequel l’écrivaine part de quelques lignes découvertes dans les minutes du procès pour sorcellerie de Salem, au sujet d’une certaine Tituba, fille d’esclave, femme, noire et sorcière. Et oubliée. Par sa danse et son chant, Munyaneza prête corps et âme à Tituba dans un solo choral, habité de multiples vécus. Et puis, une pièce de groupe, Umuko : « Vingt-huit ans que je n’oublie umuko, cet arbre qui illuminait mon enfance, arbre rouge vif, rouge terre. » Et elle invite pour cette création la nouvelle génération de musiciens, chanteurs et danseurs rwandais dont elle admire le talent et qui incarnent le volet avenir de l’ejo

Rwanda, Ejo – Chaillot Experience #8 Toi, Moi, Tituba… et Umuko de Dorothée Munyaneza Chaillot Théâtre National de la Danse les16, 17 et 18 mai