Entre le répertoire Pina Bausch et la déflagration Boris Charmatz, opération réanimation d’un non-lieu au cœur de la capitale. Pique-nique inclus. 

En un siècle et demi, la place du Châtelet telle que mise en place par le Baron Haussmann semble sombrer dans l’oubli général. Sa place dans la vie des Parisiens (et des touristes) se réduit à une sortie de métro depuis laquelle on rejoint une artère commerciale ou l’un des deux théâtres, conçus par Gabriel Davioud et ouverts en 1862. Le parvis qui devait relier les actuels Théâtre du Châtelet et Sarah Bernhardt (Théâtre de la Ville), presque une lost place en plein cœur de la capitale, acte leur séparation au lieu de les lier. Anne Hidalgo et Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, aimeraient y renouer avec l’ambition urbanistique et en face, Olivier Py ne s’y ferme pas. La venue du Tanztheater Wuppertal livre aux deux directeurs une première occasion de créer un enjambement artistique de la place, autour de sa fontaine oubliée. 

Au répertoire – Sweet Mambo de Pina Bausch – et à la création – Liberté Cathédrale de Boris Charmatz, qui dirige aujourd’hui la troupe wuppertalienne – le Théâtre de la Ville ajoute un weekend d’occupation de la place et du jardin de la Tour Saint-Jacques. La danse va se déverser depuis le hall du Sarah Bernhardt, où Charmatz retourne à ses débuts de chorégraphe, en remettant Aatt enen tionon, un trio de 1996, aujourd’hui encore un geste radical et unique, où trois danseurs évoluent dans une structure à trois niveaux, pouvant ressentir la présence des autres, au-dessus ou en-dessous, sans pour autant les voir. Sur la place et dans le jardin public, on pourra participer à des échauffements pour tous ou voir des extraits de pièces de Pina Bausch et de Boris Charmatz, entre autres avec des icônes du Tanztheater Wuppertal comme Barbara Kaufmann et Michael Strecker ainsi que Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris et vedette du film En Corps de Cédric Klapisch. Au menu aussi, pique-nique et atelier chorégraphique. Puis retour dans le hall pour Aatt enen tionon.

Le déroulement en salle serait-il plus classique ? A peine, si on considère qu’il faut, pour loger l’immense aire de jeu de Liberté Cathédrale de Boris Charmatz, déloger tous les sièges de l’orchestre du Théâtre du Châtelet ! Cette pièce de danse monumentale, en effet à la (dé)mesure d’une cathédrale, est secouée par le son de l’orgue jouée en live par Jean-Baptiste Monnot, mais connaît aussi les douceurs intimistes de chants et chuchotements, parfois au plus près des oreilles du public. Un geste véritablement monumental. En face, on se remémorera Pina Bausch grâce à Sweet Mambo, offert par la troupe de Wuppertal aujourd’hui dirigée par le même Charmatz, où la plupart des danseurs de la création, en 2009, sont encore présents : Andrey Berezin, Naomi Brito, Daphnis Kokkinos, Nazareth Panadero, Héléna Pikon, Julie Shanahan… Sweet Mambo, en 2009, ce fut le dernier passage en chair et en os de Pina Bausch sur les rives de la Seine. Elle fêta alors ses trente ans de présence au Théâtre de la Ville. Une raison d’être nostalgique ? Pas avec la Brésilienne transgenre Naomi Brito, nouvelle icône illuminant le répertoire Pina Bausch. 

Liberté Cathédrale de Boris Charmatz

Théâtre du Châtelet (avec le Théâtre de la Ville)

Du 7 au 18 avril

Sweet Mambo de Pina Bausch

23 avril – 7 mai 

Théâtre Sarah Bernhardt

Aatt enen tionon de Boris Charmatz

27 et 28 avril, hall du Théâtre Sarah Bernhardt

Extraits, répétitions, atelier et pique-nique dans l’espace public 

Le 28 avril, place du Châtelet et jardin Tour Saint-Jacques