Premier long métrage, Il pleut dans la maison place d’emblée la cinéaste, Paloma Sermon-Daï, dans la constellation des grands talents du moment.

Peuh, c’est elle. Mak c’est lui. Purdey et Makenzy sont leurs noms d’acteurs ainsi que leurs noms de personnages ; frère et sœur dans la vie comme au cinéma. La maison ? Elle prend vraiment l’eau ! Le titre n’est pas une figure de style. C’est le constat amer et froid d’une triste réalité, celle de tout un territoire belge, wallon et post-industriel. Ce n’est plus la mine mais c’est finalement pire. C’est le désœuvrement. Paloma Sermon-Daï est allée tourner là où elle a grandi et filme les siens, acteurs non professionnels avec qui elle a construit un an d’ateliers pour arriver à un résultat crevant l’écran – Lombet frère et sœur ont aussi été récompensés par un prix d’interprétation au festival de Namur. A eux deux, ils arrivent à rendre le film drôle sans tomber dans le sarcasme ou la moquerie. Ils arrivent à le rendre émouvant sans tomber dans le pathos. A le rendre violent sans céder à l’outrance. Leur vie, c’est le commun des laissés-pour-compte. Il pleut dans la maison, c’est le cri sourd que seuls les enfants en réelle situation de détresse savent pousser. Car Peuh et Mak ont beau avoir dix-sept et quinze ans, ils sont encore des enfants, et, au milieu d’eux, une mère absente les laisse grandir seuls.

Si l’expression n’était pas péjorative, « film de famille » correspondrait parfaitement à Il pleut dans la maison. Seulement, cette catégorie de sous-cinéma fait référence à une façon approximative de filmer et à un jeu amateur. Rien de tout ça, ici. Bien au contraire, la caméra de Paloma Sermon-Daï s’attache à des cadres d’une grande beauté. Chaque plan est un portrait, une photo de paysage, l’impression d’un instant saisi au vif. La réalisatrice a commencé sa formation dans le cinéma, au poste de cadreuse et chef-opératrice. Elle a participé à l’image du moyen-métrage d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, les réalisateurs de Rien à foutre. C’est donc bien un film de famille, celle du cinéma, ou plutôt d’un cinéma qui cherche à abolir les frontières entre fiction et documentaire, à aller chercher dans le réel des éléments de récit et à puiser dans l’imagination des situations véridiques. A cette recherche d’authenticité, la réalisatrice ne sacrifie pas l’esthétique cinématographique et construit son image et sa direction de lumière comme un grand film hollywoodien. Il pleut dans la maison est à la fois un grand film documentaire sur le plafond de verre de la jeunesse wallonne et une incroyable fiction, film d’ado, à la façon des eighties américaines, sur un frère et une sœur lors du dernier été de leur enfance.

Il pleut dans la maison, Paloma Sermon-Daï. Avec Purdey Lombet, Makenzy Lombet, Donovan Nizet, Condor distribution, sortie le 3 avril.