Riton Liebman raconte, avec humour et sans détour, sa vie d’acteur. Célébré à l’âge de 13 ans pour avoir joué chez Blier, il va vivre, ensuite, une descente aux enfers. Préparez vos mouchoirs…

Issu de la classe moyenne bruxelloise, fils d’intellectuels juifs d’après-guerre, c’est-à-dire plus marxiste que sioniste, pas religieux pour un sou et acteur à 13 ans, Riton Liebman aura tenu tête à Depardieu et Dewaere en même temps. Dans le film de Blier, Préparez vos mouchoirs (1978), il joue un jeune garçon qui réussira là où les deux monstres sacrés échouent. Il en sera à tout jamais marqué comme un veau marqué au fer-blanc. Sa vie durant, il ne cessera d’entendre : « Alors ? Il était sympa, Depardieu ? Il était génial, Patrick Dewaere ? Et Carole Laure, tu l’as vraiment b… ? »

L’acteur, devenu romancier, s’imagine sur son lit de mort et, comme dans une comédie de Lubitsch, rien ne se passe comme prévu. Médecin, infirmier, rabbin et croque-mort, tous veulent savoir si Depardieu, Dewaere etc. Le ciel peut attendre ! Alors commence le récit d’une vie qu’il nous livre comme s’il parlait à un ami. Page après page, rires après larmes, on est emporté par l’empathie, jusqu’à sa plongée dans l’héroïne. Succès trop rapide et chute de bien haut. Tout chez lui nous émeut, parce qu’il en parle avec sincérité. Son humour est à la fois grinçant et candide, reflet de ses choix et non choix, de ses remords et de ses failles. Sa mère, dont il a cherché la confiance et qui a toujours vu d’un mauvais œil son métier d’acteur. Son père qui, à l’inverse, lui cède tout. Les rades pourris et le kicker avec David le beau et Thierry l’intello. Sur un coup de tête, il se présente au casting annoncé dans un journal. Tout va ensuite très vite et l’impressionne. La profondeur des moquettes, le velours des fauteuils, les taxis et autres privilèges de nabab. Se foutant du travail, il échoue au concours du Conservatoire, se fait renvoyer du cours Florent. Les rôles sont de moins en moins importants et les copains, eux, avancent, réussissent, grandissent quand lui piétine. On croise la bande du Splendid, Philippe Noiret, Claudia Cardinale, Blier père et fils, évidemment, mais aussi Florent, Vanessa et les Bains Douches. La fête tourne au vinaigre pour celui dont les pitreries cachent une timidité maladive, le tenant à distance des femmes désirées.

Riton, faut-il le rappeler, est un surnom et son prénom est Henri, comme cet oncle, grand frère de son père, mort en déportation. Quel héritage ! Alors, ne m’en veux pas, Riton, si je te tutoie. L’on ne se connaît pas mais comme Prévert, « je dis tu à tous ceux que j’aime ». Et après la lecture de ton livre, on ne peut que t’aimer. Je ne le dis pas pour flatter l’orgueil du comédien, et Dieu sait que vous en avez de l’orgueil vous les comédiens, mais bien pour féliciter l’écrivain.

La vedette du quartier, Riton Liebman, Séguier, 288p., 21€