A l’occasion de la donation de ses carnets, la Cité de l’architecture et du patrimoine organise une rétrospective du père des aéroports, le génial architecte Paul Andreu

Des lignes circulaires, des formes arrondies, des jeux de transparences, des passerelles qui s’élèvent, les architectures de Paul Andreu s’envolent, respirent. Pour ses usagers, elles donnent la sensation que chaque déplacement a été pensé en lien avec l’expérience proposée par le bâtiment. Pour l’arrivée à l’aéroport de Roissy, il dessine des cercles et des tubes transparents qui projettent et préparent psychologiquement le voyageur à l’envol. Pour pénétrer dans le magnifique Grand Théâtre national de Pékin et ainsi passer du monde réel à celui du rêve, Paul Andreu imagine là aussi un seuil. Le spectateur marche sous l’eau qui encercle le bâtiment circulaire inspiré du Yin et du Yang. L’architecte français envisage les corps, les flux, les besoins intimes face à ses constructions monumentales et collectives. « Chaque fois que je pense un projet, je ne crée pas une boîte pour y organiser du mouvement, mais je conçois les murs en fonction du mouvement que les gens effectueront à l’intérieur », expliquait-il au Figaro en 2009.  

Polytechnicien et ingénieur, Paul Andreu intègre en 1963, à 25 ans, la société Aéroports de Paris (ADP) tout en continuant ses études aux Beaux-Arts de Paris. Il prendra la direction des départements Travaux et Architecture en 1979. Entre-temps, il a inventé une nouvelle forme d’aéroport. L’aérogare 1 du futur Roissy-Charles-de-Gaulle, qu’il conçoit à 29 ans, tout comme les suivants, ne sont plus des bâtiments disposés le long d’une piste centrale. La masse ronde de béton accompagnée de tubes de circulation distribuant des terminaux en étoiles devient l’emblème de la modernité. À l’intérieur, les espaces spacieux et lumineux et leurs organisations facilitent physiquement et psychologiquement les déplacements. Paul Andreu a une approche cognitive de l’expérience. Il devient l’architecte des aéroports à travers le monde, de Jakarta à Abou Dabi ou Bordeaux.  

L’exposition de la Cité de l’architecture s’organise autour de maquettes et de ses 69 carnets de croquis, vraie colonne vertébrale de son approche phénoménologique de l’architecture. Elle se déploie autour de plusieurs thématiques. Croissance organique permet de révéler l’une des fulgurances de Paul Andreu. L’architecte s’inspire de la croissance des végétaux. Il imagine des aéroports dont le système ouvert permet une grande flexibilité. « J’ai pris l’habitude de comparer les aérogares à des arbres, écrit-il. Comme eux, elles sont enracinées dans un sol. Comme eux aussi, sur les divisions sans fin de leurs structures aériennes, elles accueillent ce qui, libéré des entraves du sol, jouant de la densité de l’air pour vaincre la pesanteur, s’envole et vole. » Après 28 années à ADP puis à son compte, une consécration internationale depuis qu’il a remporté la réalisation du Théâtre national de Pékin en 1998, l’architecte multiprimé et académicien des Beaux-Arts décide de s’adonner à deux de ses passions, l’écriture et la peinture. Son premier roman L’archipel de la mémoire paraît en 2004. Il en publiera neuf avant sa mort en 2018.  *

Paul Andreu. L’architecture est un art. Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris  Jusqu’au 2 juin.