Cinq ans après Classe tous risques, Claude Sautet réalise en 1965 L’Arme à gauche, son deuxième long-métrage, à nouveau un polar avec Lino Ventura.

Quand on pense à Sautet, on s’imagine Romy Schneider, la France de Giscard, les longues discussions au lever du jour et les disputes sans fin. On ne pense pas polar, noir et blanc et années soixante. Les encyclopédies du cinéma français ne mentionnent qu’à demi-mot ce deuxième film. La Nouvelle Vague occupe toute la place. Chabrol, Truffaut et Godard explosaient les conventions du « cinéma de papa », Sautet lui s’inscrit, dans l’héritage de Becker et de Melville, tout en annonçant déjà l’intimisme et le réalisme des Choses de la vie et des films qui suivent.

C’est avec Lino Ventura et l’adaptation de Classe tous risques, roman de l’écrivain et taulard José Giovani, que Claude Sautet passe à la réalisation. Depuis sa sortie de l’IDHEC, il conseille et réécrit les histoires des autres. Assistant de Robert, Franju ou Labro, il fait la connaissance de Ventura sur le tournage de ce dernier, Le Fauve est lâché. Le premier film de Sautet est un four. L’arme à gauche, son deuxième, également. Sa ressortie sur copie neuve est l’occasion de redécouvrir un film qui s’est bonifié avec le temps. Jean-Louis Bory écrit à son propos dans la revue Arts : « Il se passe enfin quelque chose dans le cinéma français. Comme si on ouvrait des fenêtres, pour insuffler espace et mouvement à notre asphyxié, à notre ankylosé. » L’article au titre évocateur d’En avoir ou pas le compare à Schoendoerffer : faire du cinéma de genre sans plagier le voisin américain.

L’action se situe dans les Caraïbes. Jacques Cournot, ancien capitaine, est missionné pour l’expertise d’un yacht. Cournot sert de faux nez à l’acheteur qui ne souhaite pas que son identité soit révélée à la vendeuse, riche, veuve et américaine. Le bateau disparaît et Cournot se retrouve plongé dans une affaire de trafic d’armes. Le scénario est co-écrit avec Charles Williams, d’après son roman, Ont-ils des jambes ? Ancien de la marine marchande et technicien de maintenance radio, Charles Williams devient écrivain sur le tard. Il passe une partie de sa vie en France et marque le cinéma aussi bien par sa participation direct (Félins de René Clément) que par les adaptations tirées de ses livres (Vivement Dimanche de Francois Truffaut).

Charles Williams promène Sautet dans les rues caraïbéennes, au milieu de la foule en mouvement. On y parle français, anglais, espagnole, créole. On y danse, chante, bouge. Un sentiment de réalisme traverse tout le début du film, à la manière des premières scènes de rues italiennes dans Classe tous risques. La deuxième partie prend du film la forme d’un huis clos sur le yacht. Réalisme et intimisme sont déjà les signatures de Sautet.

L’Arme à gauche, de Claude Sautet. Avec Lino Ventura, Sylva Koscina, Leo Gordon, Alberto de Mendoza. Tamasa distribution, ressortie salle le 28 février.