Oratorio magnifiquement interprété et à la mise en scène risquée, que cette Création à l’Opéra de Nancy.

La Création de Haydn vient d’être mise en scène à l’Opéra de Nancy. Si le corpus du compositeur autrichien est riche de nombreux opéras trop rarement montés, c’est pourtant son plus célèbre oratorio qui occupe aujourd’hui le devant de la scène. Il faut dire qu’il doit être tentant, pour un metteur en scène, de se frotter à un thème aussi inspirant que la création du monde. Mais il est encore plus aisé de se casser les dents sur la Genèse… 

C’est un risque qu’assume ce spectacle ambitieux. Mais cette production souffre aussi du syndrome de « l’effet d’annonce », lequel est à double tranchant. Sur le papier, on nous promet une relecture décapante des sept premiers jours du monde : pour faire la nique aux créationnistes qui pullulent outre-Atlantique dans le monde post covid (38 % des Américains pensent qu’Adam et Eve ont existé, voici environ 10 000 ans, nous explique le programme) le metteur en scène allemand Kevin Barz nous plonge dans les vertiges de la biologie, la physique, l’astronomie, convoquant les grandes figures de la pensée scientifique (Newton, Darwin, Turing, Einstein, Planck…) pour nous immerger dans un métavers riche en androïdes. Devant un tel programme, on espère des frissons kubrickiens, des visions métaphysiques. Peau de zob ! Faute d’odyssée de l’espace, l’auditeur piétine lors d’une après-midi scolaire au Palais de la découverte ; on écope d’une escapade au Futuroscope de Poitiers avec un détour par les réserves du musée Grévin. Et chacun de quitter l’Opéra de Lorraine avec le léger sentiment d’avoir feuilleté un Science et vie junior dans une salle d’attente de dentiste.

En revanche, les trois solistes méritent nos éloges. 

Le ténor américain Jonas Hacker et la basse anglaise Sam Carl défendent fort élégamment leur partie. Ils se moulent même aux pitreries du metteur en scène sans jamais abdiquer leur musicalité. Mais c’est la jeune soprano française Julie Roset qui remporte tous les suffrages. Qu’il est heureux d’entendre un timbre si clair, si net, à ce point dépourvu d’afféteries, avec cette grâce de l’évidence qu’on nomme le naturel. Voilà une chanteuse qui ne cesse de monter et qu’il faut suivre !  La Création ne raconte rien d’autre que l’invention de la lumière ; cette lumière est toute contenue dans cette voix aérienne, joliment séraphique, qui estompe toute la lourde quincaillerie technologique que ce spectacle s’est cru devoir convoquer. Concentrons-nous donc sur l’essentiel : la musique ; et jetons un voile pudique sur le dispensable. Et s’il faut vraiment décrire la naissance du monde en utilisant une « B.O. » classique, Walt Disney l’a fait de façon géniale avec Le Sacre du printemps de Stravinsky. Mais n’est pas Fantasia qui veut.   

La Création, Haydn, direction Marta Gardolinska, mise en scène Kevin Barz, Opéra de Lorraine, jusqu’au 23 février