Cette exploratrice de la couleur présente à la galerie ETC ses fascinantes créations picturales. Éblouissantes, dans tous les sens du terme.

Leblanc. Drôle de nom pour une artiste. Toulouse, la ville rose : drôle d’endroit pour suivre, étudiante, une formation sur les questions de couleurs. Nous aurions pu avoir rendez-vous chez elle, à côté de Bordeaux, ou à Paris, boulevard Richard Lenoir, rue Bleue, au square du Vert-Galant, rue du docteur Blanche, au marché des Enfants rouges, agitant un exemplaire des Amours jaunes de Tristan Corbière en signe de reconnaissance. Mais non, nous voici rue Saint-Claude, à la galerie ETC, pour parler de l’artiste emmaillotée dans un pull d’un jaune de soleil d’Afrique. Aussi éblouissant que ses peintures, vaste complot pour redonner de la couleur à l’art pictural, sans y avoir l’air. Car chez cette membre de l’association Colour the life (avec comme collègue, me précise-t-elle, un très sérieux arc-en-cielogue ), l’aventure chromatique ne signifie pas barbouiller la toile par épaisses couches superposées tel un mille-feuilles roboratif mais au contraire effacer, retrancher afin de ne conserver que la substantifique moelle de « tonalités » dépouillées jusqu’à offrir un vertigineux vortex éblouissant, au sens littéral du terme. Du pinceau de cette admiratrice de Donald Judd (entre autres), surgit la lumière, juste la lumière. Quelque chose d’un cocon divin enveloppe le spectateur. Fiat Lux.

Plutôt que de s’asseoir à une table, commençons par parler autour de ce que l’on voit tous les deux, là devant nous. Cet accrochage est-il chronologique ?

Non, il ne l’est pas vraiment et c’est un choix du galeriste, Thomas Benhamou. Cette pièce devant laquelle nous commençons le tour de l’exposition date de 2005, elle a pratiquement vingt ans.

C’est une peinture très figurative. Elle tranche avec tout le reste qui est un summum d’abstraction minimaliste…

Effectivement. Tout ce que vous voyez autour de vous date de ces deux dernières années, excepté cette pièce. Je trouvais intéressant de faire un pas de côté par rapport aux œuvres que je présente et à la direction esthétique de la galerie ETC plutôt portée vers les abstraits minimalistes.

On peut voir que déjà dans ce portrait, la couleur tient une place, je dirais centrale.

Oui, tout à fait, la pièce s’appelle d’ailleurs La mangeuse de couleurs. Je l’ai peinte à une époque où je travaillais essentiellement sur l’idée du portrait dans une esthétique aux réminiscences un peu flamandes. C’était un ensemble de toiles qui parlait de la couleur avec des personnages théâtralisés pris dans une gestuelle très quotidienne, habitée de sortes de micromouvements. Ce portrait est extrait d’une série appelée Matière à réflexion, et ce n’est pas un hasard puisqu’à l’époque je réfléchissais beaucoup sur les rapports entre le fond et la figure. 

Le fond se reflète ici dans la figure…

Oui, et de plus, dans cette toile, il y a un jeu de mise en abyme en tant que peintre puisque le modèle saisi dans une vidéo pourrait presque être un autoportrait. Il y a une certaine ressemblance entre nos deux visages. Si vous vous approchez du tableau, vous remarquerez le traitement de la peau : j’avais essayé de reproduire la diffraction des teintes charnelles telle qu’on peut la voir sur une vidéo. Comme une sorte de tachisme impressionniste dans laquelle la couleur deviendrait une sorte de manifeste.

Approchons-nous maintenant de cet étonnant polyptyque qui, selon moi, symbolise le trait d’union entre vos anciens travaux d’inspiration figurative, dont nous venons de voir un exemple, et la plongée dans une abstraction totale qui viendra ensuite…

En réalité, il n’en est rien car cette œuvre s’est réalisée parallèlement à mes travaux totalement minimalistes. Si vous l’observez de près, avec les détails y figurant, vous verrez que là aussi, la photo et dans une moindre mesure la vidéo, jouent un rôle important dans ma démarche. C’est un fragment d’une séquence, d’un traveling au long cours. J’ai commencé en 2007 cette série intitulée La ligne de peinture qui ne semble jamais s’arrêter. Elle est constituée de différentes séquences dans lesquelles figure une harmonie chromatique assez homogène. Chaque fin de séquence devient le début d’une autre. Je n’ai jamais eu l’occasion d’exposer toutes les pièces ensemble mais cela ferait environ une douzaine de mètres. Difficile en galerie…

Article complet à lire dans le N°176 – mars 2024