Des épiphanies colorées, jaillissantes, mouvantes. Pour sa première exposition personnelle à la galerie ETC Vincent Dulom fait naître la beauté. 

À peine les regarde-t-on qu’elles nous échappent. On tente d’en fixer la couleur au fond de notre rétine : mission impossible. Les vapeurs colorées qui vibrent devant nous se refusent à fixer sur le papier ou la toile une forme, une durée, une réalité. Nous sommes devant le mystère de l’inconsistance. Et c’est sublime. Au vernissage, le même refrain d’émerveillement rythmait les yeux écarquillés des visiteurs.

Les halos de couleurs plus ou moins tendres, plus ou moins sourds, de Vincent Dulom qui semblent enfler depuis le centre de la toile, à l’image de poumons gorgés d’oxygène, sont des défis à l’idée traditionnelle que l’on se fait de la vision et, par extension, celle de la peinture, à savoir une image figée et bien tracée dans un cadre défini. Ici, certes, les supports sont de petits rectangles de papier ou de grands carrés de toile mais ce qu’ils accueillent en leur sein dépasse largement leurs bordures. Nous sommes peut-être devant des étoiles en expansion, des cercles de lumière sacrée, des comètes extraterrestres, des lunes sur le point de s’endormir. Une seule chose est sûre : aucun d’entre nous ne voit la même chose puisque les gouffres orbitaux de l’artiste qui semblent être des trous noirs réveillés par l’intensité phénoménale de l’ensemble du spectre coloré, ondulent et vacillent au rythme de la vision personnelle de chacun. Le défi est aussi, ici, celui de leur description : mission impossible à nouveau. Art optique si l’on veut quoique ce terme doive ici être dépassé. Car la simple illusion d’optique revêt dans le cas de Dulom une dimension poétique et émotionnelle se référant aussi bien à la pureté mystique des bleus de Fra Angelico qu’à l’épure des minimalistes américains. Dulom ne choisit pas, il invente son propre langage dont une des fonctions premières est d’interagir avec le regardeur. Ce cercle gris anthracite dont les contours flous s’épanchent vers du mauve évanescent semble s’élever du papier. La couleur vole, nimbe l’atmosphère. Ce phénomène est accentué par l’accrochage délicat qui maintient sur d’infimes fils de fer les légers papiers de l’artiste. Œuvres aériennes, insaisissables, dont le caractère volatile est aussi dû à la technique. Car il ne s’agit pas de peinture sur toile mais de jets d’encre, plus aptes à s’esquiver. « La vision est en grande partie mensonge, de toute manière […] on ne voit vraiment que quelques degrés à haute résolution là où l’œil accommode. Tout le reste n’est que flou périphérique, rien que… de la lumière et du mouvement » fait dire l’auteur de science-fiction Peter Watts à l’un de ses personnages dans son roman Vision Aveugle. Une phrase idoine pour les œuvres de Dulom qui nous font apparaître soudainement tout ce qu’on ne voit pas, ce spectre immense de couleurs et de lumière qui nous échappe à chaque instant. C’est fascinant.  

Vincent Dulom, Du temps à l’autre, Jusqu’au 28 janvier, galerie ETC., plus d’informations